18/05/2012
L’éphémère
Il vit quelques heures à peine, le temps de se reproduire et c’est pourtant un des plus anciens insectes vivants. On situe sa naissance il y a 280 à 350 millions d’années. Son nom vient du grec epi qui veut dire pendant et hemera – jour. Il déteste les eaux polluées et son nombre tend à diminuer fortement depuis quelques années.
En fait l’éphémère vit assez longtemps dans l’eau sous forme de nymphe et s’il a la chance de ne pas se faire bouffer par un ombre, une truite, un brochet ou un saumon, un beau jour ses vieilles branchies vont se transformer en ailes magnifiques. Ensuite ses heures sont comptées. Il faut qu’elle/qu'il se reproduise. L’éphémère mâle (un sur deux, seul l'éphémère grammatical est toujours mâle) veille sur la rivière, mais si la femelle ne trouve pas de mâle, elle se débrouille seule. C’est la parthénogenèse (parthéno – vierge en grec) facultative (ou le mâle en option).
Dans un de ses plus beaux poèmes, Aragon en a fait une autre sorte de nymphe. Une nymphe étrangère aux longues jambes de faon. Les pécheurs (en lit de rivière) tentent de reproduire les nymphes d’éphémère pour appâter les poissons. Chacun sa pêche, chacun sa proie, chacun son lit.
J'ai pris la main d'une éphémère
Qui m'a suivi dans ma maison
Elle avait des yeux d'outremer
Elle en montrait la déraison.
Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon,
J'aimais déjà les étrangères
Quand j'étais un petit enfant !
En grec, ephemerida (εφημερίδα) veut dire journal. A quoi bon lire le journal, les nouvelles ne sont déjà plus fraîches. Relisons Aragon...
Celle-ci parla vite vite
De l'odeur des magnolias,
Sa robe tomba tout de suite
Quand ma hâte la délia.
En ce temps-là, j'étais crédule
Un mot m'était promission*,
Et je prenais les campanules
Pour des fleurs de la passion
À chaque fois tout recommence
Toute musique me saisit,
Et la plus banale romance
M'est éternelle poésie
Nous avions joué de notre âme
Un long jour, une courte nuit,
Puis au matin : "Bonsoir madame"
L'amour s'achève avec la pluie.
* terre de promission - terre promise. Un mot m'était terre promise !
Après Ronsard et sa rose, belle illustration de l’éphèmérité (effet mérité ou est-ce l’éphèméritude ?) des choses de l'amour. Yves ou Léo ?
18:54 Publié dans Au fil de la toile, Mots | Lien permanent | Commentaires (2) |
Commentaires
Très beau !
Écrit par : Aredius | 18/05/2012
Oui, ce poème est une pure merveille.
Écrit par : Joël | 21/05/2012
Les commentaires sont fermés.