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16/05/2010

Nietzsche

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La suite du texte de Stefan Zweig sur Nietzsche comme vous l'avez deviné. Le début du livre est décapant... ensuite cela manque de précision... mais je n'ai pas fini. Après, je lis la BD d'Onfrey.

...Au contraire, la passion de la connaissance qu’a Nietzsche vient d'un tout autre tempérament, d'un monde du sentiment situé, pour ainsi dire, aux antipodes.Son attitude devant la vérité est tout à fait démoniaque ; c'est une passion tremblante, à l'haleine brûlante, avide et nerveuse, qui ne se satisfait et ne s'épuise jamais, qui nes'arrête à aucun résultat et poursuit au-delà de toutes les réponses son questionnement impatient et rétif Jamais il n'attire à lui une connaissance d'une manière durable, pour en faire, après avoir prêté serment et lui avoir juré fidélité, sa femme, son « sys­tème », sa « doctrine ».

Toutes l'excitent et aucune ne peut le retenir. Dès qu'un problème a perdu sa vir­ginité, le charme et le secret de la pudeur, il l'abandonne sans pitié et sans jalousie aux autres après lui, tout comme don Juan - son propre frère en instinct - fait pour ses mille e tre, sans plus se soucier d'elles. Car, de même que tout grand séducteur cherche, à travers toutes les femmes, la femme, de même Nietzsche cherche, à travers toutes les connaissances, la connais­sance - la connaissance éternellement irréelle et jamais complètement accessible. Ce qui l'excite jusqu'à la souffrance, jus­qu'au désespoir, ce n'est pas la conquête, ce n'est pas la possession ni la jouissance, mais toujours uniquement l'interrogation, la recherche et la chasse. Son amour est incer­titude et non pas certitude, par conséquent, une volupté « tournée vers la métaphy­sique » et consistant dans l'« amour-plaisir » de la connaissance, un désir démoniaque de séduire, de mettre à nu, de pénétrer volup­tueusement et de violer chaque sujet spiri­tuel - la connaissance étant entendue ici au sens de la Bible, dans laquelle l'homme « connaît » la femme et par là lui ôte son secret. Il sait, cet éternel relativiste des valeurs, qu'aucun de ces actes de connais­sance, aucune de ces prises de possession par un esprit ardent, n'est réellement une « connaissance définitive » et que la vérité, au sens dernier du mot, ne se laisse pas posséder ; car « celui qui pense être en pos­session de la vérité, combien de choses ne laisse-t-il pas échapper ! » C'est pourquoi Nietzsche ne se met jamais en ménage, en vue d'économiser et de conserver, et il ne bâtit pas de maison spirituelle ; il veut (ou peut-être y est-il forcé par l'instinct nomade de sa nature) rester éternellement sans pos­session, le Nemrod solitaire qui porte ses armes errantes dans toutes les forêts de l'esprit, qui n'a ni toit, ni femme, ni enfant, ni serviteur, mais qui, en revanche, possède la joie et le plaisir de la chasse ; comme don Juan, il aime non pas la durée du sentiment mais les « moments de grandeur et de ravis­sement » ; il est attiré uniquement par les aventures de l'esprit, par ces « dangereux peut-être » qui vous font plein d'ardeur et vous stimulent tant qu'on les poursuit, mais qui ne rassasient pas dès qu'on les atteint ; il veut non pas une proie, mais (comme il se décrit lui-même dans le don Juan de la connaissance) simplement l'esprit, le cha­touillement et les jouissances de la chasse et des intrigues de la connaissance - jusqu'à ses plus hautes et plus lointaines étoiles -, jusqu'à ce que finalement il ne lui reste plus rien à chasser que ce qu'il y a dans la connaissance d'infiniment malfaisant, comme le buveur qui finit par boire de l'absinthe et des alcools qui sont de véri­tables acides ».

Car don Juan, dans l'esprit de Nietzsche, n'est pas un épicurien, un grand jouisseur : pour cela il manque à cet aristocrate, à ce gentilhomme aux nerfs subtils, le lourd contentement de la digestion, le paresseux bien-être du rassasiement, la vantardise qui fait parade de ses triomphes et la satisfaction complète. Le chasseur de femmes (comme le Nemrod de l'esprit) est lui-même éternellement traqué par un instinct inex­tinguible ; le séducteur sans scrupules est lui-même séduit par sa curiosité brûlante ; c'est un tentateur qui est tenté de tenter sans cesse toutes les femmes dans leur innocence méconnue, tout comme Nietzsche inter­roge uniquement pour interroger, pour l'inextinguible plaisir psychologique.

 

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