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03/12/2008

Les pauvres

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Les Pauvres datent de la plus haute antiquité. La stratégie utilisée par les riches pour éviter d’avoir mauvaise conscience date par ailleurs de la même époque. Un des pires problèmes des riches est de vivre à côté des pauvres. C'est pourquoi les riches ont toujours consacré beaucoup d’énergie à justifier leur position de riches. C’est toujours le cas aujourd’hui mais les économistes libéraux ont apporté leur aide pour faciliter la bonne conscience des riches.

La réponse la plus antique, la plus pèrenne, et aussi la plus simple, disons la plus biblique, consiste à dire « Les premiers ici-bas seront les derniers là-haut  et réciproquement. » Magnifique. Rien à ajouter.

Et pourtant, des siècles plus tard, à l’aube de la révolution industrielle, on a modernisé la chose en disant que ce qui était bon pour les riches était bon pour l’ensemble de la société donc pour les pauvres. Vers 1830, certains économistes tel Malthus dirent que si les pauvres sont pauvres, c’est de leur faute : ils font trop d’enfants.

Ensuite on expliqua la chose, avec des gens comme Rockefeller (plus riche que Crésus), par cette merveilleuse règle de Darwin un peu bricolée : Seul les plus aptes survivent. L’élimination des pauvres se fait pour le bien de la race. Une loi de la nature, donc de Dieu. (L’ironie est que ce sont les mêmes qui luttent aujourd’hui contre le darwinisme avec l’Intelligent design.) Cette théorie du darwinisme social implique qu’aider les pauvres se fait au détriment de l’intérêt général bien compris.

Certains disent que c’est l’état qui doit aider les pauvres. Oui, mais les économistes libéraux pensent que l’état est incompétent donc on ne peut pas lui demander d’aider les pauvres, ce serait la pagaille et la solution serait pire que le mal. L’état doit s’occuper des choses sérieuses comme l’armée. En matière de protection sociale les fonctionnaires sont incompétents contrairement aux militaires qui dépensent l’argent public à bon escient. Ceci est particulièrement vrai pour les Etats-Unis.

Et puis aider les pauvres est mauvais pour leur moral, il faut qu’ils restent battants, qu’ils continuent de travailler plus pour gagner plus. D'ailleurs, ce sont souvent les femmes qui réclament des indemnités, et ce n’est pas bon pour la paix des ménages. Non, les aides nuisent aux défavorisés. De plus, elles nuisent aussi à ceux qui bossent qui doivent alors payer pour les oisifs. Les riches risquent de ne plus se rendre dans leurs  bureaux climatisés du dernier étage si leurs impôts sont trop élevés. Quelle perte pour la richesse commune.  Et même s'il continuent de bosser, comme Johnny, ils risquent de partir. à Monaco ou en Suisse. Pas bon pour l’économie tout ça. Mettons un bouclier pour les protéger. Regardez autour de vous, les riches bossent beaucoup moins qu’avant, c’est la faute aux aides sociales.

Et puis, aider les pauvres, c’est empiéter sur la liberté générale, donc sur la leur. C’est limiter le droit de faire ce qu’on veut de notre bel argent durement gagné. Et priver les gens de liberté n’est bon pour personne, pas plus pour les riches que pour les pauvres, c’est bien connu.

Dernier point, la crise est déjà tellement omniprésente, les informations économiques et boursières tellement déprimantes, le terrorisme est partout, alors il n’est pas conseillé, si on tient à son bonheur personnel, si on veut garder une pensée positive, de trop se préoccuper des pauvres. Non mais sans blague ! C'est minant pour le moral, ça n'est pas bon  pour le swing au golf et ça ne fait pas avancer le yacht.

* Texte librement inspiré d’un papier de John Kenneth Galbraith publié dans le numéro de novembre 1985 de Harper’s Magazine. A lire ici.

et écoutez Plume Latraverse. Ici les paroles.

Les pauvres ont pas d’argent
Les pauvres sont malades tout l’temps
Les pauvres savent pas s’organiser
Sont toujours cassés

Les pauvres vont pas voir de shows
Les pauvres sont ben qu’ trop nonos
En plus, les pauvres, y ont pas d’argent
À mettre là-d’dans

Les pauvres sont su’l’Bien-Être
Les pauvres r’gardent par la f’nêtre
Les pauvres, y ont pas d’eau chaude
Checkent les pompiers qui rôdent
Les pauvres savent pas quoi faire
Pour s’ sortir d’ la misère
Y voudraient ben qu’un jour
Qu’un jour, enfin, ce soit leur tour

Les pauvres gens ont du vieux linge sale
Les pauvres, ça s’habille ben mal
Les pauvres se font toujours avoir
Sont donc pas d’affaires !

Les pauvres s’achètent jamais rien
Les pauvres ont toujours un chien
Les pauvres se font prendre à voler
Y s’ font arrêter

Les pauvres, c’est d’ la vermine
Du trouble pis d’ la famine
Les pauvres, ça couche dehors
Les pauvres, ça l’a pas d’ char
Ça boé de la robine pis ça r’garde les vitrines
Pis quand ça va trop mal
Ça s’tape sa photo dans l’journal...

Les pauvres, ça mendie tout l’temps
Les pauvres, c’est ben achalant
Si leur vie est si malaisée
Qui fassent pas d’ bébé ! ! !

Les pauvres ont des grosses familles
Les pauvres s’ promènent en béquilles
Y sont tous pauvres de père en fils
C’t une manière de vice...

Les pauvres sortent dans la rue
C’est pour tomber su’ l’ cul
Y r’çoivent des briques s’a tête
Pour eux, le temps s’arrête
Les pauvres ça mange le pain
Qu’les autres jettent dans l’chemin
Les pauvres, c’comme les oiseaux
C’est fait pour vivre dans les pays chauds

Icitte, l’hiver, les pauvres gèlent
Sont maigres comme des manches de pelles
Leur maison est pas isolée
Pis l’ gaz est coupé

Les pauvres prennent jamais d’vacances
Les pauvres, y ont pas ben d’la chance
Les pauvres, y restent toujours chez eux
C’est pas des sorteux

Les pauvres aiment la chicane
Y vivent dans des cabanes
Les pauvres vont pas à l’école
Les pauvres, c’ pas des grosses bolles
Ça mange des s’melles de bottes
Avec du beurre de pinottes
Y sentent la pauvreté
C’en est une vraie calamité
Les pauvres...

... mais y ont tous la t.v. couleur

12:09 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (9) |

Commentaires

Ma théorie économique qui vaut ce qu'elle vaut (et elle ne vaut peut-être pas grand-chose), c'est que ceux qu'on appelle abusivement les riches, du moins certains, utilisent des "stratégies de substitution" (terme employé par les services sociaux pour les gens dans la précarité) qui rappellent étrangement celles de ceux qu'on appelle les pauvres, du moins certains. Notamment, dans les films et sûrement dans la réalité, les entreprises font appel à des "coast killers" pour réduire les coûts, par exemple. Or, c'est une technique de pauvre... C'est donc qu'ils sont moins riches qu'ils ne le pensent. Car (c'est ma théorie), le riche est celui qui dépense moins qu'il ne gagne et le vrai riche est celui qui peut dépenser sans compter or à ce compte-là, n'est pas riche qui l'on croit... Ce n'est pas une question de pouvoir d'achat, c'est une affaire de philosophie de la vie. Et ça emmerde nettement ceux qui se croient riches de trouver des pauvres qui se croient heureux. La bonne preuve, c'est qu'il y a des gens qui achètent des milliards de dollars des toiles de Van Gogh qui, lui les faisait pour pas grand-chose. Qui est le plus riche des deux ? Celui qui paye ou celui qui crée... Autre idée à creuser (qui n'est pas de moi mais de sociologues hautement qualifiés), le riche se croit intelligent parce qu'il est riche alors que la richesse n'a rien à voir avec l'intelligence ce qui amène à penser qu'un certain nombre de riches sont des pauvres cons(mais il y a des intelligents riches, quand même et heureusement !). Sans parler des "chômeurs armés" que sont les militaires.
Mais "aider les pauvres" n'est pas si simple car il y a un grand risque d'assujettissement. D'où la notion de bon pauvre et de mauvais pauvre. Le bon pauvre accepte en se mettant à genoux, le gilet troué et trop petit offert par la bonne riche alors que le mauvais pauvre dit comme Gandhi que la bonne riche devrait lui donner son meilleur gilet...
"La crise" n'est qu'un prétexte. Car depuis que je suis né, nous sommes éternellement en crise et dans des étapes de transition...
La véritable crise, ce serait si tous les bénévoles du monde arrêtaient de faire ce qu'ils font ; là, les politiques et les entreprises et tout le monde seraient dans la merde.

Écrit par : Dandylan | 03/12/2008

Le riche est celui qui dépense moins qu'il ne gagne. C'est juste. S'il n'a pas hérité, pour devenir riche il faut qu'il trouve le bon filon pour gagner plus qu'il na l'intention de dépenser parce que le riche, à l'exception de quelques harpagons, aime bien quand même dépenser pour montrer qu'il est riche. C'est un sujet assez... riche.

Grève des bénévoles. Pas mal comme idée.

Écrit par : Joel | 03/12/2008

Ça faisait une paye que je n'avais pas entendue la chanson de plume Latraverse...
Je l'avais cherchée sur le net la semaine dernière, histoire de réécouter cette vielle toune sur laquelle tu nous avais fait un texte pour un anniversaire de mariage il y a bien longtemps !
Surprenant que tu en reparle aujourd'hui.

Du coup je l'ai mise en ligne à l'adresse suivante :
http://xperino.free.fr/Tounes/Plume Latraverse - Les Pauvres.mp3

Écrit par : Xavier | 04/12/2008

Et comme disait mon père "La misère n'est pas que chez les riches !"

Écrit par : Pascal PHILIPPON | 04/12/2008

Un petit conseil de lecture :
http://www.amazon.fr/mots-riches-pauvres/dp/225309949X
Le livre n'est pas très cher ... même les pauvres peuvent l'acheter.

Écrit par : Claudius | 04/12/2008

Livre amusant : mais "si l'auteur de Grammaire française et impertinente, rappelle fort à propos qu'il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade", mieux vaut-il être un riche malade ou un pauvre bien portant ?...

Écrit par : Dandylan | 04/12/2008

Merci pour les commentaires. Conseil de lecture pour conseil de lecture, et pour une réflexion sur Misère et Pauvreté dans les pays pauvres, je recommande le livre de Majid Rahnema "Quand la misère chasse la pauvreté" (ou la richesse comme disait le père de Pascal.)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Majid_Rahnema

Comment des sociétés qui vivaient dans la pauvreté mais dans un équilibre de vie entre les individus se retrouvent parfois plus riches en terme de PIB mais plus misérable quand l’économie productiviste et la quête du profit individuel ont brisé les liens sociaux. (diminution du BIB, le Bonheur Intérieur Brut)

Dandylan, Une pensée du Dalaï-Lama :
« Ce qui me surprend le plus dans l’humanité, ce sont les Hommes !...parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Et à penser anxieusement au futur, ils oublient le présent de telle sorte qu’ils finissent par vivre ni le présent ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir, et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu. »

Écrit par : Joël | 04/12/2008

Joël un grand merci pour Plume... et de qui est la chanson dans laquelle il y a cette phrase : "perdre sa vie à la gagner..."

Écrit par : Françoise | 06/12/2008

Je connais la phrase dans un poème de Boris Vian qui s'intitule Un de plus

Un de plus
Un sans raison
Mais puisque les autres
Se posent les questions des autres
Et leur répondent avec les mots des autres
Que faire d’autre
Que d’écrire, comme les autres
Et d’hésiter
De répéter
Et de chercher
De rechercher
De pas trouver
De s’emmerder
Et de se dire ça sert à rien
Il vaudrait mieux gagner sa vie
Mais ma vie, je l’ai, moi, ma vie
J’ai pas besoin de la gagner
C’est pas un problème du tout
La seule chose qui en soit pas un
C’est tout le reste, les problèmes
Mais ils sont déjà tous posés
Ils se sont tous interrogés
Sur tous les plus petits sujets

Écrit par : Joel | 07/12/2008

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