Le mont-Blanc de Raymonde. Jour 1 - Lundi 25
(un titre piqué à René qui a écrit lui aussi son texte)
Départ du Tramway du mont-Blanc à 10 heures 15. Raymonde et moi, on partait gaiement prendre le train à la gare du Fayet. Il faut dire que c’est juste à coté du départ du tramway que se rencontrent les trains normaux et ceux de la voie vers Chamonix Vallorcine. Eh bien non, René se marre, c’est le tramway qu’il faut prendre. Remarquez, il est normal que René le sache vu que c’est son 5ième mont-Blanc par la voie royale*. En fait je me suis incrusté dans le mont-Blanc que René offre à sa chère et tendre qui cette année se sentait prête à l’ascension. C’est une décision assez courageuse. Comme moi, Raymonde n’est pas une pratiquante de haute montagne ni une sportive de haut niveau et comme moi, elle commence à se avoir quelques années, même si on ne dit pas l’âge des dames. * La voie dite normale est aussi appelée royale, elle n’est pas facile mais c’est la plus facile. Une autre voie passe par les trois monts et commence au mont-Blanc du Tacul (ma seule haute montagne jusque là, si on excepte un 4000 marocain, les deux avec René et Raymonde d’ailleurs.) Le Tacul a fait 8 morts dimanche matin. Lundi (jour du récit) l’accès en est interdit pour la journée. Il existe une montée depuis l’Italie et aussi la voie historique de Balmat à travers les séracs en dessus du glacier des Bossons. La voie royale que l’on emprunte ne fait que 5 à 7 morts par an. Superbes paysages de forêt passant par St Gervais, le col de Voza, Bellevue pour finalement arriver au Nid d’Aigle. Le minéral commence là. On est à peine à 2400 mais c’est déjà très roc et glace. Le glacier de Bionassay a bien fondu comme les autres.
A peine partis, on croise un jeune bouquetin qui cherche sa maigre pitance entre les blocs de granit. Rapidement on monte à 3000 où l’on rencontre un vieux japonais épuisé qui n’a pas eu la chance de monter au sommet, comme la plupart des montagnards du jour, car ce matin il neigeait par là-haut.
On casse la croûte près d’un petit glacier à côté du refuge de Tête-Rousse. Il y a là un groupe des pays de l’est. Les campeurs sont priés de rester ici, le camping est interdit en haut. Ce qui veut dire pour eux un mont-Blanc très difficile demain matin. Difficile car en dessus de Tête Rousse nous attend la montée du l’arête du Gouter après la traversée du couloir. Pas très long le couloir, 50 mètres, mais les pierres y pleuvent alors faut éviter si possible de s’en prendre une sur le ciboulot. On a bien des casques mais… On passe un par un, les deux autres surveillent le haut. In petto, je me dis « demain, vers cette heure-ci, quand on repassera le couloir, mont vaincu ou non, ce sera la fin de l’aventure. »
Raide l’arête du Gouter. Depuis le bas on voit le refuge et on pense qu’on pourrait le toucher mais il n’y a pas loin de 600 mètres de dénivelé à gravir. De l’escalade facile à condition de ne pas glisser, lâcher les prises ni faire tomber des cailloux sur les copains. Et il y a pas mal de copains dessus pour nos têtes et dessous pour nos pieds. Peu de descendeurs. Le ciel n’est pas des plus cléments. On prie sainte météo de se montrer sympa et surtout exacte dans la nuit qui vient. En attendant, il tombe du grésil et sur le rocher, c’est pas génial… Heureusement, les chutes de pastille blanches (version céleste de l’homéopathique Coca 9 CH qu l’on prend depuis samedi) sont intermittentes et on arrive aux câbles qui aide le grimpeur sur les 200 derniers mètres (de dénivelé) très glissants avec leurs restes de neige. Raymonde a un peu perdu de sa bonne humeur légendaire. Elle demande sans cesse à combien du refuge on se trouve et peste contre des derniers mètres aussi longuets. Le brouillard nous cache la bâtisse par intermittence. Je double une fille exsangue et à bout qui ne comprend pas mon anglais. On finit enfin par arriver. Drôle de baraque perchée sur le rocher frontière entre roc et glace. René va s’occuper des formalités. Pas sûr que j’ai un matelas, il se peut que je doive coucher tête-bêche sur un matelas étroit.
Raymonde et moi, fatigués et coincés au milieu d’un amas de sacs, cherchont pantoufles à nos pieds pour les dortoirs. Ici, c’est Babel. L’espagnol domine et on ne distingue pas toutes les langues. Le refuge est bondé, bruyant et c’est tout les jours pareil. Il ne faut pas trop être claustrophobe.
On a finalement 3 couchettes en hauteur dans l’annexe. On s’installe. On fait la causette à des valaisans fort sympathiques. Le « vieux » de la bande en est lui aussi à son 5ième mont-Blanc, il nous parle d’un guide qui l’a abandonné dans l’Aconcagua, de vrais montagnards, pas de doute. Repas, second service à 6 :45. A notre table, 3 jeunes basques espagnols dont l’un parle français. Ils viennent de faire le Grand Paradis et demain ils seront avec nous sur les pentes enneigées.
Extinction des feux à 8 heures. Demain, petit déjeuner à 2 heures 30 puis crampons, corde et départ.
Raymonde dans les premiers lacets:
Pauses :
Deuxième service. Demain suivre la ligne rouge :
Les photos sont de René, guide et reporter en même temps, un service de première qualité.