Conte d'été -9-
11/08/2014
L'histoire commence ici
Repris du Tages Anzageir, journal zurichois de centre gauche, les raisons du succès de Gnarr et la première année de gouvernement :
[Photo : Bjork]
Cette victoire de Jòn Gnarr et de ses potes est largement due à la faillite de la banque Lehman Brothers le 24 septembre 2008 suivie par celle de l’Islande une semaine plus tard. Les trois banques principales du pays s’effondrent du jour au lendemain et la Bourse chute de 90 %. De surcroît, on apprend que les banquiers islandais se sont accordé d’énormes prêts à taux zéro juste avant le krach. L’Islande, qui n’a connu ni guerre, ni guerre civile, ni révolte (le sang ne coule que dans les sagas), a découvert les manifestations de masse, jets de pierres, incendies gaz lacrymogènes et finalement la démission du gouvernement.
Les conservateurs avaient tout dérégulé, faisant de l’Islande un géant de la finance, porté aux nues par les économistes, l’OCDE et le président de la République, Ólafur Grimsson, qui n’avait pas hésité à déclarer un an plus tôt : “Nous sommes des Vikings”, ajoutant que la rudesse du climat islandais avait de toute évidence préservé l’instinct de tueur des ancêtres. Or voilà que disparaissaient d’un coup du paysage non seulement les beaux costumes, les Range Rover et les boutiques de luxe, mais aussi les emplois et les pensions de retraite.
La ville. En temps normal, être maire de Reykjavík devrait être un plaisir. La ville est jeune, sensiblement plus jeune que la moyenne européenne. Beaucoup de bars, beaucoup de musique, des nuits d’hiver interminables, bref, beaucoup d’enfants. Comme le travail des enfants était encore très répandu il n’y a pas si longtemps, la plupart des Islandais ont occupé de nombreux emplois : ouvrier dans une conserverie de poisson, maçon, journaliste (un Islandais sur sept écrit au moins un livre dans sa vie, dit-on), directeur d’agence bancaire, etc. Il n’est pas rare qu’un directeur de banque licencié redevienne pêcheur. “On a tous plusieurs casquettes, c’est forcé : on est si peu nombreux, explique la cliente d’un bar. Les Islandais sont décontractés, paresseux, ils sont multitalents, et dilettantes en tout. On est des survivants.”
Une première année difficile. Pendant sa campagne, le Meilleur Parti avait promis qu’une fois au pouvoir il mènerait une vie tranquille. Il n’en fut rien. Pendant la crise, les recettes fiscales ont chuté de 20 %. Les dépenses, en revanche, sont fixes, comme partout : 95 % du budget n’est pas modifiable. Or elles se sont mises à grimper en flèche, notamment pour les aides sociales et les allocations chômage. “Il faut un an”, confie Björn Blöndal, le bras droit de Gnarr, au look de banquier du Far West (bottes, moustache, costume), qui était chargé de délivrer les mauvaises nouvelles, ce qui lui a valu le surnom de “Prince des ténèbres”. “Il faut un an pour comprendre la politique. Une fois que tu as bouclé ton premier budget, tu connais le métier.” La première année est effectivement difficile. L’opposition tire à boulets rouges sur le Meilleur Parti, le regroupement des écoles maternelles provoque une contestation incessante.
Sur le libéralisme économique et la société qui marche sur la tête, lisez Kou l'ahuri de Jacques Duboin. Un livre écrit en 1935 à la manière des lettres persanes.
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