Adieu Alain
04/03/2013
J'ai un Garde-mots comme d'autres ont un garde-manger
J’apprends sur Facebook une bien triste nouvelle. Le Garde-Mots, alias Alain Horvilleur, n’est plus. Son fils Jean-Louis écrit : « Nous non plus ne parvenons pas réaliser que mon père, Alain Horvilleur, nous a quittés. Et pourtant... C'était jeudi dernier après 281 jours d'une lutte exemplaire, qui nous a laissé jusqu'au dernier matin l'espoir de le voir revenir, fragile mais bien là. La vie n'est pas juste. »
Pour les mots et le fromage c'est bien mieux qu'un réfrigérateur
Je suis bien mal placé pour écrire sa nécrologie. Je le connaissais fort peu. Nous nous sommes connus via nos blogs respectifs et j’avais eu la riche idée de vouloir le rencontrer, in real life comme on dit, c’était fin 2006, je crois. Avec sa femme Josette et la mienne, nous avions passé une charmante soirée dans un restaurant de Lyon, non loin de son appartement. La conversation avait roulé autour des blogs bien sûr. Autour d’une étrange aventure blogesque titrées « Serendip ». Le Sérendip était un bateau virtuel qui sillonnait la toile et dont il était le capitaine. On avait aussi parlé de nos familles et encore de la mémoire de l’eau et de Jacques Benveniste qu’il avait bien connu. C’est d'ailleurs à Gilbert Montagnier qu’il a consacré un de ses derniers billets.
Son blog était super bien organisé et centré autour des mots (il avait publié la DÉCLARATION UNIVERSELLE DU DROIT DES MOTS). On y trouvait la défense de la langue, des illustrations humoristiques d’YDEL (une soixantaine depuis 2006), qui était je crois un des ses amis et aussi des billets doux, de la poésie. Le cygne de Sully Prudhomme, une des dernières notes publié le 18 mai 2012 pour illustrer des photos d'un cygne égaré, Verlaine, Rimbaud mais aussi des poèmes d’Alain Horvilleur lui-même dont celui qui termine ce billet.
En 2009, 2010 et 2011, il avait publié des almanachs sur la base des billets de son blog. Son blog va rester suspendu dans le vide. On peut se demander si c’est une bonne chose, mais après tout les livres restent, alors pourquoi pas un blog. Et puis, on pourra toujours y consulter ce qu’il appelait des singumots, des mots rares comme Vexillologie, Anastylose ou Ochlocratie.
Ce qu’on ne pouvait pas savoir, si l’on ne connaissait que le blog du Garde-mots, c’est qu’Alain était une sommité de l’homéopathie qui avait publié pas mal de livres d’utilisation pratique. Ce n’est pas moi qui suis un mécréant de la chose (nul n’est parfait avait dit Josette) qui vais vous en parler mais je suis sûr que si quelque adepte passe par ici, il ou elle ne manquera pas d’en dire un mot.
Voilà, que dire de plus ? Je l'aimais bien. J'aurai aimé que l'on se retrouve dans un resto à St Julien comme promis. J’ai déjà parlé de lui ici quand j’avais encore l’espoir qu’il retrouverait la force d’approcher un clavier, qu’il pourrait me lire et que je pourrais voir son commentaire amusé. Je suis tout triste et larmoyant devant mon écran qui ne me parle plus avec des mots compréhensibles.
Avant le poème, un dernier bouquet pour Alain, c’était celui en forme de coeur qu’il avait mis sur son blog pendant les travaux. Saleté de travaux. Vacherie de coeur.
Pas question d'être Dieu
Philosophe ou voleur
De jeter sa raison en pâture
Aux esprits
Tout juste d'être garçon d'étage
Pour maison ouverte
Une heure
En toute liberté
Un mois
Avec panache
Un an
Par procuration
Toute la vie
Sans retour
Coursier des traditions
Livreur de paysages
A la rigueur
Poète
Il suffit que le ciel
Entrouvre ses étoiles
8 commentaires
Bien triste nouvelle. Et merci pour m'avoir fait connaître ce personnage si attachant. Moi aussi mécréant de l'homéopathie, je n'en ai pas moins fort apprécié la lecture de ses textes sur le sujet que je découvre ce soir.
Il restera dans ma liste de blogs amis. Et quand il fera gris, j'irai le retrouver. Il aurait mérité d'être dans le Dico amoureux des dictionnaires d'Alain Rey que je suis en train de lire.
Comme vous, j'ai connu Alain "in real life", pendant un voyage en France en 2011. En êtant une « fan" de son blog, je lui ai informé que je passerais par Lyon. Alors il m'a invité à déjeuner et m'a donné une longue tour de sa ville mervelleusse. Ce nuit là, Josette, son adorable épouse , a préparé le plus délicieux dîner lyonnese chez eux, pour que j'invitasse aussi mes autres deux amies mexicaines , compagnes de voyage.
Je suis tombée amoureuse d'Alain, de Josette, de son beau appartement, de la belle ville de Lyon, mais surtout, de leur générosité sans limites.
Cette nuit là, pendant le dîner, Alain m'a parlé de vous Joel, il m'a dit que j'étais la deuxième personne du blog qui lui visitait à Lyon, la première a été vous.
Je suis aussi très triste, mais vous m'avez donné la bonne nouvelle dont le blog d'Alain restera suspendu dans le vide, alors le vide qu´il nous a laissé, nous pourrons le remplir un peu avec Legardemots et un peu aussi avec les souvenirs.
A deux amoureux de notre langue, un bien vif et l'autre parti vers d'autres rives ce poème exaltant et moderne :
Métromaniaque
Dès que j’entends un mot je craque !
Comme un enfant je m’en amuse
Je lui cherche rime. J’abuse
Car je suis un métromaniaque.
Dès que je commence une phrase
Le matin lorsque je me rase,
Mon obsession me turlupine
Le mot me suit dans la cuisine.
Je ne saurai rien avaler
Si ne puis rime lui trouver.
Je cherche une rime à tartine
Mais détestant la margarine
Je me résigne au bout d’une heure
A la couvrir encore de beurre.
Tout irait bien si de surcroit
Le contrepet dans sa folie
Et le calembour, son bras droit
Ne se joignaient à ma manie...
Tout ça pourrait encore passer
Si le rythme dans sa fureur
Ne venait, pour mon grand malheur
A mon obsession ajouter.
J’alexandre et j’hexamétrise
Je compte les pieds, je césure
Je diérèse, je synérise !
Je deviens fou, la chose est sure.
En attendant, c’est démoniaque
Je ne suis qu’un métromaniaque...
Merci Trystan.
Bravo! On profite dans ce rive et ....peut-être Alain profite aussi de votre poème depuis d´autres rives. ¿Qui sait?
Alain, un grand homéopathe mais aussi un poète discret, sous
le pseudonyme de Luc Pavillonet un père exceptionnel...
J'ai failli ne pas mourir
Et puis la révérence était trop belle
Ton corps sans illusion
Et les journaux prêts à me recevoir
J'ai failli ne pas mourir
Ne pas regarder derrière le soleil
Croire à l'aube vierge qui rassure
Et déverser des paroles de résurrection
Mais la mort était radieuse
La vie acide et jaune comme un citron ridé
Le ciel creux, la terre délaissée
Et toi absente par ta bouche toujours inerte
Ma dernière volupté
Ma dernière volonté
Je te les offre
Comme un désespoir à faire fleurir le long de ton chemin de débauche
voila un poème écrit il y a très longtemps et prémonitoire...il a bien failli ne pas mourir. Merci de votre hommage à un grand homme , mon père...
Je pense que tous ceux que nous l'avons connu, nous sommes tout a fait d'accord: Alain a été un grand homme et il nous manque beaucoup. Merci pour le poème, vous êtes très gentil de le partager.
Je tombe vraiment des nues! Il y a un bout de temps que je n'avais pas butiné le blog du garde-mots.J'avais justement donné à une amie les références de ce dernier car j'avais trouvé le ton et les différentes contributions des uns et des autres excellents.Seul,le niveau des intervenants me bloquant,je n'ai jamais osé apporter mon humble pierre à ce glorieux édifice.Aimant les mots pour ce qu'ils sont et encore plus pour ce qu'ils pourraient être( dans la plume des poètes) entre autres,j'aimais bien l'idée d'une forme de conservatoire de ces derniers.L'idée était belle ,j'ose espérer qu' elle survive à son instigateur et que de potentiels successeurs la gardent en vie.Le garde-mots ne mourra et ne se rendra pas!!!
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