Wil et Alex
13/02/2007
Gravure:
Schiller,
Les frères Wilhelm
et Alexander von Humboldt
et Goethe à Iena.
En août, Je vous avais présenté deux génies, un frère et une sœur. L’autre jour je vous ai parlé de deux écrivains les frères Mann. Dans le livre de Daniel Kehlmann, les arpenteurs du monde. Il est aussi question de deux frères : Les frères Humboldt.
Le baron Alexandre von Humboldt avait un frère aîné Wilhelm. Si Alexandre était un grand explorateur et naturaliste, Wilhelm fut un étonnant inventeur de concepts dans le domaine des sciences humaines. On a principalement retenu de ses travaux sa philosophie de la langue, ce que l'on a appelé l'hypothèse humboldtienne, qui se rejoint avec l'hypothèse Sapir-Whorf, qui veut que les catégories de la langue parlée prédéterminent nos catégories de pensée. Chaque langue renfermerait une vision du monde irréductible. C'est négliger l'intérêt d'Humboldt pour la dimension universelle du langage
Wilhelm sera au service de l'État prussien, notamment comme diplomate en France. En tant que ministre prussien de l'Éducation (1809-1810), il réforma profondément le système scolaire, en se basant sur les idées du philanthrope Pestalozzi — il envoya les professeurs prussiens étudier ses méthodes en Suisse. Il fonda l'université Humboldt de Berlin. Représentant de la Prusse avec Hardenberg au congrès de Vienne, il défend contre la France vaincue une ligne assez dure.
Humboldt était l'ami de Goethe et surtout de Friedrich von Schiller. Ces deux poètes lui inspirèrent des réflexions esthétiques souvent novatrices. Malgré cette carrière, il considérera toute sa vie que la culture de soi, la Bildung, est plus essentielle que le service de l'État.
Extrait des arpenteurs du monde :
Chez lui, il trouva deux lettres. L'une de son frère aîné, qui le remerciait pour sa visite et son soutien. « Que l'on se revoie ou non, il n'y a plus à présent – comme depuis toujours, au fond- que nous deux. On nous a très tôt inculqué l'idée qu'une vie devait avoir un public. Nous pensions tous deux que le nôtre était le monde entier. Or les cercles se sont progressivement rétrécis, et il nous a bien fallu comprendre que la vraie finalité de nos efforts n'était pas le cosmos mais simplement l'autre. C'est à cause de toi que je voulais devenir ministre, c'est à cause de moi que tu devais monter sur la plus haute montagne et ramper dans des grottes ; pour toi j'ai conçu la meilleure université qui soit, pour moi tu as découvert l'Amérique du Sud, et seuls les imbéciles qui ne voient pas ce qu'une vie dédoublée signifie auraient le mot "rivalité" à l'esprit : parce que tu existais, j'ai dû devenir l'éducateur d'un Etat, parce que j'existais, il te fallait être l'explorateur d'un continent, tout le reste aurait été inconvenant. Et nous avons toujours eu un instinct très sûr des convenances. Je te prie de ne pas léguer cette lettre à la postérité avec l'ensemble de notre correspondance, même si, comme tu me l'as dit, tu ne fais plus aucun cas de l'avenir. »
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