Muray et sa blonde
10/08/2013
Philippe Muray (1944-2006) était sans doute un sale type. Mais un sale type qui savait écrire. Il était plus réac qu'Eric Zémour. Il savait mettre en valeur les idées les plus rétrogrades. C'était un réac de toutes obédiences, anti progrès, anti société, anti règles, anti tout, misanthrope, misogyne, misandre, misengarde, misenbière, misosocialo, misantout et même limite fascho.
Cependant, il faut bien admettre que les idées réacs font des textes plus marrants que les idées de la bien- pensance de gauche. Les exemples pullulent dans la littérature du siècle dernier... Chardonne, Nimier, Laurent, Blondin...
En effet, la littérature comme le théâtre est beaucoup plus attirante quand elle est nous fait nous poiler. Une figure de style qui essaye de nous convaincre du bien fondé de la générosité, de l’altruisme, des bons sentiments, de la compassion est toujours plus affligeante que la même figure qui transperce d’un trait la carapace de vertu d’une dame patronnesse ou d'un politicien compatissant.
Muray savait comme personne poser des questions et dégonfler les baudruches de la modernité et de la post modernité. Il s’en prenait au clinquant, au faussement charitable, aux dévouements bidons, aux lois protectrices, au désintéressements factices... Et forcément, il s’en dégageait une impression de haine de tout ce qui est gentillesse, douceur et bonté, d'où mon qualificatif de "sale type".
Lucchini, après avoir dit Lafontaine et Céline, s’est attaqué à Muray. Il a notamment dit sur scène le poème « Tombeau pour un touriste innocente » qui, il faut bien l’avouer est un petit bijou. Mon passage préféré « Petit poulets de grain ayant accès au pré ». Fabrice dans sa loge :
Rien n´est jamais plus beau qu´une touriste blonde
Qu´intervieuwent des télés nippones ou bavaroises
Juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe
Sous la hache d´un pirate aux façons très courtoises
Elle était bête et triste et crédule et confiante
Elle n´avait du monde qu´une vision rassurante
Elle se figurait que dans toutes les régions
Règne le sacro-saint principe de précaution
5 commentaires
Merci pour ce message. J'approuve.
On a-do-re!!!!!!!!!!!!!
Des bises
Un ami me recommande ce texte. Lecteur compulsif de Muray, puis-je répondre ceci?
1/ C'est Muray avec 1 R. L'autre est tennisman.
2/ Faut vraiment ne pas l'avoir beaucoup lu (ou beaucoup compris) pour l'assimiler à un facho.
3/ Il est bien moins réac que Zemmour (mais oui, il écrit beaucoup mieux) en ce qu'il n'avait AUCUNE envie de changer quoi que ce soit à ce monde. Il voulait en RIRE, le tourner en dérision, en faire objet de création littéraire. à quoi il a fort bien réussi. Muray aurait considéré comme une insulte qu'on lui propose de débattre sur I-Télé avec un Domenach, ou de jouer le rôle du méchant pitre médiatique chez Ruquier.
4/ S'il fallait le ranger dans une catégorie, ce serait plutôt celle des anti-modernes, (lire sur le sujet l'ouvrage d'Antoine Compagnon), où il retrouverait d'autres "fachos" (?... !...) tels que Roland Barthes, Charles Péguy, Julien Benda...
Deux R, aie ! Je suis coutumier de la distraction orthographique.
Merci pour votre commentaire. Je ne suis effectivement pas un grand lecteur de Muray et ce que j'en dis n'engage que moi. Le peu que j'ai lu de lui m'a laissé une impression mitigée. D'un côté une écriture très travaillée, disons simplement un vrai style comme on en lit peu, et de l'autre une détestation de son époque telle qu'elle me donne rapidement envie de lire autre chose de plus... positif. Ceci est sans doute lié à un vieux reste de croyance dans le modernisme et les bienfaits de la modernité que j'ai au fond de moi :-)
Je conçois que ma lecture de Muray fut très superficielle. Et comme vous connaissez l’œuvre beaucoup mieux, vous avez sans doute raison quand vous dites qu'il est bien moins réac que Zemmour et ne peut être qualifié de "facho", dont acte. Je connais mal Roland Barthes (ni Barthez:-) et Péguy mais le structuralisme de l'un et la poésie de l'autre ne me sont pas immédiatement sympathiques, manque de culture sans doute là aussi. Quant à Benda, je découvre grâce à vous.
Merci de votre réponse. Voyez par exemple, je n'ai jamais lu dans Muray la moindre allusion "raciste" ou "racialiste". En revanche, là où vous avez parfaitement raison, c'est dans l'exécration qu'il a de la modernité; en ce qu'elle a de tyrannique, ne laissant aucun choix à quiconque d'y adhérer ou pas. Ce qu'il déteste plus encore que le moderne, c'est "le Bien obligatoire" qui l'accompagne. Et naturellement, le Festivisme, cette idéologie qu'on croise aujourd'hui partout, tout le temps, et qu'il fut le premier à identifier comme un outil de domination de l'individu, qui n'a plus aucune liberté d'y échapper, (ou à ses manifestations, ce qui revient au même) sauf à se retirer du monde... amicalement
Les commentaires sont fermés.