J.E. Bovard
03/04/2012
Trois écrivains suisses sont invités par erreur pour une tournée en France dédiée à la littérature helvète de langue française par l’association « francophones sans frontière » Il y a là, le narrateur Xavier Chaubert, alias Alexis Berchaut, Charlène Mohave et Roger Borloz.
Au début du roman, on fait la connaissance de Chaubert/Berchaut devenu écrivain par hasard, il écrit des romans de gare (de plage…) centré sur le sport, le pendant masculin des romans à l'eau de rose, style Harlequin. Un personnage sympa Chaubert, ex-champion de judo, qui ne se prend pas au sérieux. Bovard nous le décrit avec force détails, il fait une petite biographie depuis son enfance jusqu'à l'écriture dans une langue aux saveurs vaudoises, c’est très enlevée.
Charlène, quarante et quelques années bien conservée, écrit pour sa part des romans d’aventure qui promène son héroïne sur le globe, Chaubert la voit déja dans son lit. Le troisième larron, Borloz, écrit des romans pornos. Un personnage à la Alexandre-Benoit Berurier, le Béru de San Antonio, truculent, goinfre, sans gène mais pas sans sentiments. Ces trois écrivains publient chez Weekend, un éditeur de romans de gare.
Nos trois héros se retrouve dans la tournée qui va de Strasbourg (sa choucroute) à Paris (ses studios de télé) en passant par Reims, Verdun (ses champs d’honneur) et Château-Thierry, la patrie de notre grand fabuliste. Deux personnages s’y distinguent, Pierre Montavon, LE GRAND ECRIVAIN, personnage imbu de lui-même, détestable selon Chaubert, et qui refuse de fréquenter nos trois héros qu’il appelle Les Pitres et Dessibourg, prof à l'Uni de Lausanne, maître d'oeuvre de l'édition des Oeuvres complètes de Cendrars dans La Pléiade, plus modéré.
A noter, un débat très intéressant sur les spécificités de la littérature en Suisse Romande. L'écrivain "régional" doit-il le rester ? Cendrars n'est-il pas un écrivain français à part entière ? On pense à Michel Tremblay, l'écrivain québecois, qui a fait le choix du joual, l'argot de Montréal et qui n'en est pas moins un grand du théatre francophone.
Nous voilà parti pour le croquignol… Bagarre assurée entre Montavon et Borloz qui ne sont décidément pas compatible. Chaubert hésite, va-t-il affronter le grand écrivain un peu cuistre ou non ? Charlène complimentée par le grand écrivain va choisir son camp et quitter le lit de Chaubert pour celui de Montavon. Borloz pique le manuscrit de Montavon. Chaubert découvre le larcin et hésite sur la conduite à tenir. Finalement, il va se ranger du côté du grand écrivain et faire allégeance à LA littérature, la vraie, la seule.
J’aime beaucoup l’écriture de Jacques Etienne Bovard. C’est aussi un vrai conteur d’histoire. Le début m’a tenu en haleine, le milieu aussi mais je n’ai pas apprécié la fin. Il m’a semblé que Bovard, parti pour faire du Rabelais se moquant des universitaires vides et cuistres, s’est finalement rangé du côté bien propre de la grande Littérature (la vraie, la seule évidemment) nous privant d’une chute gargantuesque qu’il semblait nous promettre. Je rêverai de réécrire la fin de ce livre pour en faire une grande rioule (fête en vaudois) dans les studios parisiens où couleraient le vin et les mauvais calembours.
Je sais, ça ne se fait pas, mais je le proposerais bien à Bovard et à son excellent éditeur Campiche qui sort des livres si beaux, de faire ma version de ce livre. C’est un peu prétentieux de vouloir jouer dans la cour des grands (Bovard en est, c’est sûr) mais j'aimerais bien. De manière générale, ce serait amusant de produire à plusieurs un livre installé sur les même base. Une sorte de Poulpe à plusieurs tentacules.
Les commentaires sont fermés.