Carême
13/09/2010
Au hasard du web, je tombe sur Amélie Nothomb, auteure belge, qui parle d’un poète belge qui fit le bonheur des écoles primaires dans les années 70 -80 avec des poèmes très niais. J’ai donc cherché un poème de Maurice Carème et voici le premier que j’ai trouvé intitulé J’aime ma mère. Le comble du poétiquement correct dit Amélie. Voir ensuite la vidéo avec Amélie et son poème sur le chien. On a envie après ça de jeuner 40 jours pour expier.
J’aime ma sœur
Pour ses yeux clairs,
J’aime mon frère
Pour sa candeur,
J’aime mon père
Pour sa douceur
Et je ne dois
Sûrement pas
Dire pourquoi
J’aime ma mère.
Je me demande
Même parfois
Si je ne l’aime
Pas plus que moi.
N’est-elle pas
La vraie lumière
Qui nous éclaire,
Ma sœur, mon frère,
Mon père et moi?
Maurice Carême
5 commentaires
Ah ! Les récitations de notre enfance...
La nôtre et celle de nos enfants ! Dites par coeur, les mains croisées dans le dos, le souffle court, le débit mitraillette, la voix chantante... et le sourire teinté de soulagement après avoir énoncer le nom de l'auteur, pas toujour facile à prononcer !
Sur les cahiers de poésie, Emile Verhaeren côtoyait Robert Desnos, Charles Cros, Jacques Prévert et l'incontournable Maurice Carême qu'affectionnaient particulièrement les maîtresses (peut-être parcequ'il fut instituteur avant d'être poète !).
Bien sûr, ses rimes faciles, ses vers trop courts souvent convenus et parfois mièvres nous faisaient sourire, mais ils gardent un petit goût de nostalgie enfantine !
Je me souviens encore du "Chat et le Soleil" récité par mes filles, plutôt comptine que poème, en tout cas un peu moins niais que celui cité plus haut !
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Il y a du Prévert chez Maurice Carême mais sans le petit grain de sel iconoclaste et anarchiste qui fait toute la différence au niveau du goût.
Tu dis comptine et c'est le bon mot mais les bonnes comptines, celles que les mômes aiment bien ont ce sel frondeur, fantaisiste voire même caca-boudin bien loin de Carême.
Plutôt jeuner des cendres à la crucifixion que de lire des poésies de Carême.
Nous joignons un article d'un universitaire qui connaît l'oeuvre de Maurice Carême traduit dans le monde entier jusqu'en Chine et au Japon, mis en musique par les plus grands compositeurs : Darius Milhaud, Francis Poulenc, Carl Orff et plus de 300 autres. N'en déplaise à Amélie Nothomb dont nous ne nions nullement la qualité de l'oeuvre. Là n'est d'ailleurs pas le problème même si cette émission n'était pas très édifiante pour notre romancière belge.
Voici le texte de Sébastien Robert :
Sébastien Robert
Haies vives et autres lieux poétiques
Né à Châteauroux (Indre). Certifié de lettres modernes et diplômé de philosophie, il enseigne dans le Loiret. Il a travaillé sur Sartre puis sur Lavelle, et s’intéresse aux différentes formes du spiritualisme français aux XIX et XXèmes siècles. L’autre partie de ses intérêts se portent plus particulièrement sur la poésie.
Articles de cet auteur
Défense de Maurice Carême
24 octobre 2010
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Défense de Maurice Carême
dimanche 24 octobre 2010, par Sébastien Robert
L’INA recèle des merveilles, comme une séquence tournée chez Georges Duhamel, en 1955 : le grand écrivain, nous le voyons bien, comme ceux de sa génération et quelques autres après n’est pas disposé à passer à la télévision, il ne s’exprime pas pour elle. Pierre Desgraupes vient chez lui, dans son univers. La télévision, le journaliste, le monde n’ont qu’à s’adapter à l’écrivain s’ils veulent le saisir, et non l’inverse.
Aujourd’hui, il y a Amélie Nothomb, et les temps ont naturellement changé. La télévision ne se déplace pas chez Amélie Nothomb mais c’est elle qui vient à la télévision. Elle n’a pas, comme Georges Duhamel, ce côté « anachronique » : non, Amélie Nothomb est un produit du temps. Elle a le visage maquillé pour figurer l’écrivaine un peu triste, écorchée et mélancolique, comme aiment les médias. Elle est à elle seule une publicité pour les maisons d’édition à succès.
Nous n’avons jamais sérieusement lu Nothomb, et ce n’est pas très important : ce qui est important, c’est le personnage, le produit « littéraire » qu’elle aime vendre, montrer à l’écran ou sur la première de couverture de ses livres trônant sur les rayons des supermarchés.
Bref, Amélie Nothomb se vend avec son livre, et cette vente lui donne une grande légitimité !
L’autre jour, nous trouvons un extrait d’émission se réclamant littéraire : Amélie Nothomb participait à la séquence « littérature que l’on n’aime pas ». Elle s’en prend alors à Maurice Carême, poète belge disparu en 1978. La mémoire collective retient de Carême ses poèmes pour enfants, l’essentiel de son œuvre. C’est ainsi que Nothomb, qualifiant la poésie de Carême de « comble du poétiquement correct », lit « L’homme et le chien ». Sans subjectivité aucune, Nothomb le lit mal, comme pour justifier son ressentiment : les invités ricanent. Voilà où nous en sommes.
Mais « La nuit était venue / Une nuit inconnue / Pleine d’astres fondus » écrivait Carême dans « L’homme et la mort ». Ce poème angoissé ouvrait l’œuvre de Carême à ce qu’elle était vraiment : une œuvre indécise et incapable de choisir entre la joie et la peur, la paix intérieure et l’angoisse. Son œuvre, c’était la vie en images. Le malheur de Carême, le voici : l’utilisation des mots simples pour dire la vie, cible facile pour écrivaine « en marge » (« marge » qui n’est qu’une clause de style). En vérité, c’est la simplicité du verbe qui rend ce poète intéressant. Nul mieux que lui n’aura fait reculer les murs de l’hermétisme pour réaliser le rêve de tant de poètes, ce rêve de transparence qui n’abolit pas le mystère : Carême n’est pas l’anti-Mallarmé, c’est un Mallarmé lumineux.
« Et à peine entend-on / Horloge familière / L’humble cœur de ma mère / Qui bat dans la maison ». Carême aura rendu, en images graciles, la pauvreté jouissive et la lourdeur dramatique de l’humanité : dans ces vers de « Mère », on entend résonner la peur de perdre ceux qu’on aime, et toute l’angoisse d’un monde décentré. Que peut-on vouloir de plus d’un poète, si ce n’est de nous faire sentir le monde avec davantage d’acuité ?
Nothomb ne peut pas aimer Carême, car un écrivain qui se donne en pâture à sa propre image n’est pas un écrivain qui voit. Carême, lui, passa sa vie à voir et à observer car il croyait qu’une vision aigue transperçait le voile du monde, comme une sorte de chemin direct vers la sagesse : « Ainsi, je suis devenu sage / sans même m’en être aperçu. / Des jours disparus, je n’ai plus / Que les clartés sur le visage. » Georges Duhamel espérait un pacte positif entre littérature et télévision. Ce pacte se réalisa, mais le résultat est désolant.
Merci pour ce commentaire de défense de Carême. Merci aussi pour ce pointeur sur l'INA et Duhamel qui est l'auteur de "l'humour est la politesse du désespoir" et des zinnias.
http://perinet.blogspirit.com/archive/2005/06/27/zinnias.html
J'aime bien les romans de Nothomb mais il faut bien admettre qu'elle fait parti du paysage automnal comme les pommes, les feuilles mortes et les chrysanthèmes. Comme les producteurs de pommes, elle nous sort un produit bien calibré à chaque rentrée et elle fait le tour des médias avec son chapeau un brin ridicule faisant concurrence à Marc Verrat. Elle est piquante ce qui est bien dans l'air du temps aussi, comme le froid et la compétition sarkoziste. On n'y échappe pas.
Carême a été victime de son succès à l'école primaire, Amélie est victime de son succès de gondole.
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