Don Juan
13/05/2010
En 2005, j'avais fait une note sur Jean-Baptiste Botul et comme BHL ne lit pas mon blog, dommage pour lui, il s'est franchement ridiculisé en parlant de la sexualité d'Emmanuel Kant d'après le célèbre philosophe Botul.
En fait Kant n'avait qu'une seule forme de sexualité... Il couchait avec la connaissance et lui était fidèle, c'est du moins ce que prétend un fameux écrivain dans une délicieuse biographie consacrée à L'Inconnu de ce texte qu'il compare à don Juan. Saurez-vous découvrir l'écrivain et son philosophe ?
Emmanuel Kant vit avec la connaissance comme avec une épouse légitime ;pendant quarante ans, il se couche auprès d'elle dans le même lit spirituel et engendre avec elle toute une lignée allemande de systèmesphilosophiques, dont les descendants habitent encore aujourd'hui notre monde bourgeois. Ses rapports avec la vérité sont absolument monogames, comme tous ceux de ses fils spirituels : Schelling, Fichte, Hegel et Schopenhauer. Ce qui les pousse vers la philosophie, c'est une volonté d'ordre, qui n'a absolument rien de démoniaque, une bonne volonté allemande, objective et professionnelle, tendant à discipliner l'esprit et à établir une architectonique ordonnée du destin. Ils ont l'amour de la vérité, un amour honnête, durable, tout à fait fidèle. Mais cet amour est complètement dépourvu d'érotisme, du désir flamboyant de consumer et de se consumer soi-même ; ils voient dans la vérité, dans leur vérité, une épouse et un bien assuré, dont ils ne se séparent jamais jusqu'à l'heure de la mort et à qui ils ne sont jamais infidèles. C'est pourquoi il y a toujours dans leurs relations avec la vérité quelque chose qui rappelle le ménage et les choses domestiques -, et, effectivement, chacun d'eux a bâti, pour y loger lit et fiancée, sa propre maison, c'est-à-dire son système philosophique bien assuré. Et ils travaillent de main de maître, avec la herse et la charrue, ce terrain qui est à eux, ce champ de l'esprit qu'ils ont conquis pour l'humanité parmi les fourrés primitifs du chaos. Avec prudence ils reculent toujours plus loin les bornes de leur connaissance, au sein de la culture de leur temps, et ils augmentent par leur application et leur sueur la récolte spirituelle.
Au contraire, la passion de la connaissance qu’a L'Inconnu vient d'un tout autre tempérament, d'un monde du sentiment situé, pour ainsi dire, aux antipodes. Son attitude devant la vérité est tout à fait démoniaque ; c'est une passion tremblante, à l'haleine brûlante, avide et nerveuse, qui ne se satisfait et ne s'épuise jamais, qui nes'arrête à aucun résultat et poursuit au-delà de toutes les réponses son questionnement impatient et rétif Jamais il n'attire à lui une connaissance d'une manière durable, pour en faire, après avoir prêté serment et lui avoir juré fidélité, sa femme, son « système », sa « doctrine ».Toutes l'excitent et aucune ne peut le retenir. Dès qu'un problème a perdu sa virginité, le charme et le secret de la pudeur, il l'abandonne sans pitié et sans jalousie aux autres après lui, tout comme don Juan - son propre frère en instinct - fait pour ses mille e tre, sans plus se soucier d'elles.
4 commentaires
La passion de la connaissance se nomme "épistémophilie" :
http://blog.legardemots.fr/post/2009/08/19/%C3%89pist%C3%A9mophilie
Justement notre inconnu avait l'épistémophilie guillerette. C'est du moi ce qu'il voulait, c'est le sous-titre de ce blog.
Je n'avais pas donné la réponse, il s'agit du Nietzsche de Stefan Zweig.
http://books.google.fr/books?id=Ni2HZXdxTjMC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false
Votre "Don Juan" m'a fait penser à une phrase sur recherche de la vérité:
"Les questions les plus intéressantes restent des questions. Elles enveloppent un mystère. A chaque réponse, on doit joindre un peut-être. Il n'y a que les questions sans intérêt qui ont une réponse définitive."
Eric-Emmanuel Schmitt (Oscar et la dame rose)
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