Rencontre -5-
30/01/2008
Ma rencontre
avec
Alexandre Vialatte
-5-
Mais qui était Vialatte ?
Longtemps on a pensé qu’il était auvergnat, on a cru qu’il était écrivain, certains prétendent l’avoir vu gare de Lyon chaque dimanche apporté sa chronique au wagon postal de 23h15, ils ont imaginé qu’il était chroniqueur au journal la Montagne. On raconte qu’il serait né en 1901 et serait mort en 1971. On raconte qu’il aurait fait découvrir Kafka en France, traduit Nietzsche, Bertold Brecht, Goethe, qu’il aurait frôlé le prix Goncourt avec les Fruits du Congo. Pierre Desproges en avait fait son maître, Philippe Meyer aussi… Tout ceci est vrai et bien d’autres choses encore… Avec son œil unique, Vialatte voyait la réalité de mille points de vue, tous très originaux.
A propos de Kafka, on dit que Vialatte aurait mis chez ce grand pessimiste un humour qui manquait. Vrai ou faux ? Ce qui est sûr c’est qu’Alexandre dû insister lourdement pour que Gallimard publie la totalité de l’œuvre du maître pragois. Il disait à Gaston que sa gloire future serait d’avoir publier Proust, Gide et Kafka.
A vingt ans, il était pion à Ambert et s’en était échappé pour devenir rédacteur de la revue rhénane. Dans des chroniques intitulées, Les bananes de Koenisberg, il retrace ce séjour de six dans l’Allemagne pré nazie de la république de Weimar. Il a vécu à Spire puis à Mayence. Il a raconté à son ami Henri Pourat le charme des petite spiroises, Anja, Frida, Hilda, Rose, Elise ou Milly. Pourat, l’auteur de Gaspard des montagnes, sera l’ami de toute sa vie, le La Boétie de ce Montaigne humoriste. Il n’a pas vraiment aimé l’Allemagne. Il s’est moqué de la lourdeur et du mauvais goût de ses hôtes. C’est là qu’il a appris une certaine forme de cynisme, à tout le moins une vision de l’homme sans complaisance.
Ensuite ce fut l’Egypte. Professeur au lycée français d’Héliopolis. Il prenait à cœur son enseignement et continuait de traduire le château de Kafka.
On a dit que c’était un conservateur à tout crin. Il aurait sans doute rajouté : « oui et je garderais mes crins blancs. » Malgré des opinions politiques franchement de droite qui lui interdisaient de parler politique dans ses chroniques, (La Montagne étant un journal de gauche) il savait détecter les talents de tous bords. Son éclectisme étonne. Avant tout, il aimait les écrivains vrais. Beaucoup naviguaient dans une sphère très éloignée de la sienne. Leurs mondes, leurs styles étaient à l'opposé du sien. Il leur reconnaissait cependant un vrai talent d'artiste. Quel point commun y a-t-il entre Henry James, espèce de « Marivaux cosmopolite », et Frederick Rolfe dit le Baron Corvo, auteur sulfureux d'Hadrien VII, un roman « aussi majestueux, solide et ouvragé qu'une cathédrale byzantine, un monument tout incrusté de métaux précieux » oscillant entre le « grand » et le « mesquin », la « subtilité italienne » et les « préjugés britanniques » ? Qui, en 1954, connaît Gottfried Benn, « le plus grand styliste allemand avec Nietzsche et Kafka », et qui, un an auparavant, sut détecter le « tact littéraire parfait » d'André Frédérique ? Simenon, Paul-Jean Toulet, Dino Buzzati (« S'il n'y avait pas eu Franz Kafka... ce serait le plus passionnant des écrivains du siècle »), jean Giraudoux ou Audiberti, un « hercule de foire » « avoir traversé notre époque sans avoir vu Audiberti, c'est avoir traversé le jardin zoologique sans avoir vu l'éléphant » sont quelques-unes de ses permanentes admirations.
Il savait aussi démonter les fausses gloires. Il aurait rit du livre que Marie Dominique Lelievre consacre à Sagan- Dans La Montagne du 15 mai 1956, il se fait un plaisir de citer quelques vers de l'auteur de Bonjour Tristesse:
« Toujours, toujours,
Je n'aime que Toi,
Prends-moi, prends-moi,
Prends-moi dans tes bras. »
Suit un commentaire à la hauteur de l'oeuvre : « La passion y parle toute pure... Minou Drouet n'a plus qu'à bien se tenir. »
Pour Vialatte, la Comtesse de Ségur est « un besoin poétique de l'enfance », Valéry Larbaud « un grand cru» qui nous apprend que « nous n'avons besoin que de l'inutile », et Ionesco « mérite d'être un classique » même si « d'aucuns le prenaient pour un éléphant qui piétinait le jardin de Le Nôtre, mais ils s'apercevront qu'il danse un pas classique, qu'il est subtil et traditionnel ». Il reconnaît très vite le génie de Bertold Brecht qui était pourtant au antipodes de sa conception du monde.
** Beaucoup de points dans cette note sont tirés du Vialatte de Denis Wetterwald. Denis est un comédien qui a dit souvent les textes de Vialatte, c'est aussi un amateur comme moi, son livre publié en 1996, je crois, aurait mérité une meilleure presse.
**Voilà. C’était ma rencontre avec le maitre. Je reparlerai de Vialatte, soyez en sûr. Je vous posterai bientôt une fameuse et hillarante chronique datée du 2 avril 1964, numéro 573 intitulée « JOIES ET MISÈRES DU POLYGAME » Surtout si Mitt Romney, républicain mormon continue de remporter les primaires américaines.**
5 commentaires
et bien merci pour cette rencontre,
en attendant la suite
pour le moment, je file vers mes nouritures un peu plus terrestres,
c'est l'heure de l'apéro et j'ai faim
A bientôt
Merci pour ces commentaires Damien. Eh oui, c'était de la fiction mais qui aurait pu se réaliser, j'étais bien un peu comme ça en 69, révolté et même un peu connement maoïste. J'ai écrit ce texte assez rapidement, je pense qu'il y a du potentiel dans cette idée de rencontre mais je n'ai pas trop de temps à y consacrer en ce moment.
A lire de Vialatte? les chroniques de la Montagne en folio. Pour commencer on peut trouver ces chroniques dans des petits recueils "dernières nouvelles de l'homme", "Et c'est ainsi qu'Allah est grand", "L'éléphant est irréfutable"... d'occasion chez Price Minister ou Amazon. A lire, "Les fruits du congo" et des nouvelles sous le titre "Badonce et les créatures".
Pour les chroniques, il y a pas mal de références qui datent pour les apprécier complètement. Je ne sais pas comment cela passe pour qq de jeunes. Mais c'est encore plus beau lorsque c'est difficile!
Coucou Joël!
Vialatte nous titille ces derniers temps... Agréable rencontre fictive... Qui vient allonger les citations de Vialatte sur la blogobulle: on ne peut que s'en réjouir!
(J'ai lu les Fruits du Congo, je ui préfère Battling personnellement, moins virtuose sans doute mais plus touchant... Reste que ces fruits furent cependant savoureux...)
Bien à vous,
Tanguy
Merci pour ce texte. J'apprécie Vialatte. La Montagne est maintenant distribuée dans ma ville natale, St-Yrieix la perche (Haute-Vienne)... et chaque fois que j'en vois le titre, je pense à Vialatte que je n'ai pas lu étant lycéen.
Je suis en train de lire tous vos messages depuis que j'ai découvert votre blog ce matin ! Me fait oublier le temps. Merci
Non mais oh... Sérieux, en vrai ? C'est une invention, une construction littéraire, cette rencontre dans un train, avoue... Bien trop beau pour être vrai ! Et puis tu oublies d'inventer toute une partie importante : comment tu apprends que le vieux monsieur anodin est Vialatte ? Est-ce que tu sais déjà qui c'est ? Est-ce que tu découvres ses livres à la suite de la rencontre ?
Allez, il me faut une "Rencontre -6" !
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