Forfait 4
16/08/2006
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Forfait
illimité
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romance
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Mon Raymond est mort en 94… c’était fin juillet… le 29 exactement… un jeudi… dans des souffrances que je ne souhaite à personne.
« Tu me dis que c’est une chance que nous nous soyons rencontrés. Tu m’énumères toutes les joies, tous les bonheurs futurs. Avec mon esprit d’escalier, je ne t’ai répondu que des banalités comme d’habitude. Les idées me sont venues après avoir raccroché… pourtant, on a mis presque une heure à raccrocher. Une telle lenteur… ce n’est même plus l’esprit d’escalier… ou alors, c’est un escalier d’hospice. Ce soir en me couchant, je me dis… oui bien sûr… on a perdu cinq ans. Cinq ans à nos âges… ma douce amie, c’est beaucoup, c’est énorme même. Peut-être que ton Raymond et ma Fernande qui étaient croyants eux, ils se voient depuis cinq ans par là-haut. Ils dissertent sur le paradis et sur le sexe des anges. J’espère que cette idée ne te blesse pas… Encore une brassée de tendresse, toujours autant que tu peux en recevoir. Je t’aime… incommensurablement. Ton Alphonse. »
Ses lettres me mettent dans un état… Pourtant, je suis une femme de tête, tout le monde vous le dira ! J’ai eu une vie difficile, de celle qui vous passe lentement la sentimentalité à la toile émeri. Jamais, non jamais, je n’aurais cru que des mots pouvaient me toucher avec cette force, si profondément. Avec Fernande, ils ont eu trois enfants. Sa fille aînée, Michèle, le materne un peu trop à son goût. Autoritaire, un avis sur tout… il me la dépeint comme une sorte de Lucien en jupon. Les deux cadets ne s’occupent guère de lui. Ils vivent loin. Parfois il voit ses petits-enfants à Noël, il est même arrière-grand-père. Moi après Lucien, j’ai eu une fille, Christine. Je ne l’ai plus revue depuis l’enterrement de Raymond.
Elle ne m’a jamais aimée, Christine. Ses enfants ne viennent plus me voir. Quand je les appelle, à Noël, j’ai l’impression de les ennuyer. Elle leur a transmis, à mes petits enfants, la hargne qu’elle a accumulée contre moi. C’est dur !... Si ça se trouve, je suis arrière-grand-mère, moi aussi, et je ne le sais même pas. C’est bien possible ! Heureusement, j’ai Lucien, il habite à côté. Célibataire endurci, presque sexagénaire, une tête de bois, inventeur fou, des défauts en pagaille, mais il me rend bien des services. C’est un tendre sous la carapace, Lucien… Dommage qu’il soit si rugueux en surface et si économe de ses élans d’affection !
« En un mois, j’ai passé plus de temps au téléphone que ces trente dernières années. J’ai l’oreille qui n’arrive plus à refroidir...
2 commentaires
"J'ai l'oreille qui n'arrive plus à refroidir"
j'adore !
et c'est tellement vraie comme sensation
Et alors...?
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