Les neiges d'antan
18/12/2005
Qui saurait dire, exhaustivement, pourquoi il aime la tour Eiffel ?
Peut-être Marcel Proust. Et encore, en plusieurs volumes.
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On voit, au nom de demain, se battre, de nos jours, des géants qui combattent pour un art d'avant-garde composé de rêves d'avant-hier, en luttant contre des tabous de l'époque du président Fallières, qu'ils nous présentent comme des carcans de l'art d'aujourd'hui. Ils se battent contre une opinion qui a disparu depuis cinquante ans. Comme des pionniers ! Avec des œuvres poussiéreuses dont on était lassé en 1928. Au nom d'un irrespect farouche qui respecte n'importe quoi : l'obscénité, la réclame, les voyantes, la démence, et surtout l'argent. Ils se battent sous le drapeau de l'originalité pour composer tous la même chose. En exaltant une immoralité qui n'a jamais gêné les peintres d'aucun temps.
<…> De toute façon, tout le monde sait qu'au vieux temps la neige était plus blanche et le loup plus hirsute, les étoiles plus brillantes et la forêt plus noire, les bandits plus hardis, les vieilles femmes plus cassées et les bonnets plus tuyautés ; le savetier plus gai, l'usurier plus avare ; les haillonneux, les stropiats, les goitreux formaient des grappes épaisses autour du bénitier, et on allait à la messe de Noël avec des lanternes de corne.
<…> Notre époque n'est pas moins fertile en merveilles et en cataclysmes. Nous n'avons plus besoin, pour aller dans la Lune, de la fève de Jean de la Fève. Nous apprenons par les journaux qu'un jeune garçon s'est brûlé vif plutôt que de se faire couper les cheveux. Que deux millions de Pakistanais sont anéantis d'un seul coup par le typhon et le choléra, et qu'à en croire des Mémoires de Khrouchtchev (très probablement apocryphes), des paysans, privés de leurs bons de ravitaillement par une ordonnance de Staline, ont mangé leurs propres enfants. C'est ce qu'on appelle des faits divers. (On les montre en photographies. Elles sont noires et nous font horreur.)
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.
A. Vialatte - La Montagne - 29 novembre 1970
1 commentaire
Tu m'as bien eu. J'ai cru qu'il s'agissait de faits récents...
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