Israël
01/06/2024
Dans ces temps d'indignation justifiée sur les crimes commis par l'armée Israélienne contre des civils palestiniens le plus souvent exposés aux bombes par le Hamas, pour prendre du recul voici une lettre écrite en 2016 par le professeur écossais Denis MacEoin à ses étudiants (EUSA -Edinburgh University Students' Association). Etudiants qui avaient voté pour le boycott d'Israël et qui affirmaient qu'Israël était soumis à un régime d'apartheid. Denis n'est pas juif, il est un expert des affaires du Moyen-Orient et a été rédacteur en chef du Middle East Quarterly. Voici sa lettre traduite par Corine Valentin :
Puis-je être autorisé à dire quelques mots aux membres de l'EUSA ? Je suis diplômé d'Édimbourg (MA 1975) et j'ai étudié l'histoire persane, arabe et islamique à Buccleuch Place sous la direction de William Montgomery Watt et Laurence Elwell Sutton, deux des plus grands experts britanniques du Moyen-Orient à leur époque. J'ai ensuite obtenu un doctorat à Cambridge et enseigné l'arabe et les études islamiques à l'université de Newcastle. Je suis naturellement l'auteur de plusieurs livres et de centaines d'articles dans ce domaine.
Je dis tout cela pour montrer que je suis bien informé sur les affaires du Moyen-Orient et que, pour cette raison, je suis choqué et découragé par la motion et le vote de l'EUSA. Je suis choqué pour une raison simple : il n'y a pas et il n'y a jamais eu de système d'apartheid en Israël. Ce n'est pas mon opinion, c'est un fait qui peut être confronté à la réalité par n'importe quel étudiant d'Édimbourg, s'il décide de se rendre en Israël pour s'en rendre compte par lui-même.
Permettez-moi d'expliquer cela, car j'ai l'impression que les membres de l'EUSA qui ont voté en faveur de cette motion ne savent absolument rien des questions relatives à Israël et qu'ils sont, selon toute vraisemblance, victimes d'une propagande extrêmement partiale émanant du lobby anti-israélien. Le fait d'être anti-Israël n'est pas en soi répréhensible. Mais je ne parle pas d'une critique ordinaire d'Israël. Je parle d'une haine qui ne s'autorise aucune limite dans les mensonges et les mythes qu'elle déverse.
Ainsi, Israël est souvent qualifié d'État "nazi". En quoi cela est-il vrai, même en tant que métaphore ? Où sont les camps de concentration israéliens ? Les einzatsgruppen ? Les SS ? Les lois de Nuremberg ? La solution finale ? Rien de tout cela, ni rien qui y ressemble de près ou de loin, n'existe en Israël, précisément parce que les Juifs, plus que quiconque sur terre, comprennent ce que le nazisme représentait. On prétend qu'il y a eu un holocauste israélien à Gaza (ou ailleurs). Où ? Quand ?
Aucun historien honnête ne traiterait cette affirmation autrement qu'avec le mépris qu'elle mérite. Mais qualifier les Juifs de nazis et dire qu'ils ont commis un holocauste est une façon aussi élémentaire de subvertir les faits historiques que tout ce à quoi je peux penser. Il en va de même pour l'apartheid. Pour que l'apartheid existe, il faudrait qu'il y ait une situation qui ressemble étroitement à ce qui se passait en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid. Malheureusement pour ceux qui le croient, un week-end dans n'importe quelle région d'Israël suffirait à montrer à quel point cette affirmation est ridicule.
Le fait qu'un groupe d'étudiants universitaires soit tombé dans le panneau et ait voté en ce sens incite à effectuer un triste constat sur l'état de l'éducation moderne. La cible la plus évidente de l'apartheid serait les 20 % de la population arabe du pays. En vertu de la législation israélienne, les Arabes israéliens ont exactement les mêmes droits que les Juifs ou toute autre personne ; les musulmans ont les mêmes droits que les Juifs ou les chrétiens ; les Baha'is, gravement persécutés en Iran, prospèrent en Israël, où ils ont leur centre mondial ; les musulmans Ahmadi, gravement persécutés au Pakistan et ailleurs, sont protégés par Israël ; les lieux saints de toutes les religions sont protégés en vertu d'une loi israélienne spécifique.
Les Arabes représentent 20 % de la population universitaire (ce qui correspond exactement à leur pourcentage dans la population générale). En Iran, les Bahaïs (la plus grande minorité religieuse) n'ont pas le droit d'étudier dans une université ou de diriger leur propre université. Vos membres ne boycottent-ils pas l'Iran ? En Israël, les Arabes peuvent aller où ils veulent, contrairement aux Noirs dans l'Afrique du Sud de l'apartheid. Ils utilisent les transports publics, mangent dans les restaurants, vont à la piscine, fréquentent les bibliothèques, vont au cinéma avec les Juifs, ce qu'aucun Noir n'a pu faire en Afrique du Sud. Les hôpitaux israéliens ne soignent pas seulement les Juifs et les Arabes, mais aussi les Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie. Dans les mêmes services, dans les mêmes salles d'opération.
En Israël, les femmes ont les mêmes droits que les hommes : il n'y a pas d'apartheid entre les sexes. Les homosexuels, hommes et femmes, ne sont soumis à aucune restriction et les homosexuels palestiniens s'enfuient souvent en Israël, sachant qu'ils risquent d'être tués dans leur pays. Il me semble étrange que les groupes LGBT appellent au boycott d'Israël et ne disent rien de pays comme l'Iran, où les homosexuels sont pendus ou lapidés à mort. Cela illustre un état d'esprit qui dépasse l'entendement. Des étudiants intelligents qui pensent qu'il est préférable de garder le silence sur les régimes qui tuent les homosexuels, mais qu'il est bon de condamner le seul pays du Moyen-Orient qui sauve et protège les homosexuels.
Est-ce que c'est censé être une blague de mauvais goût ? L'université est censée apprendre à utiliser son cerveau, à penser rationnellement, à examiner les preuves, à tirer des conclusions fondées sur des preuves solides, à comparer les sources, à peser un point de vue par rapport à un ou plusieurs autres. Si le mieux qu'Édimbourg puisse produire aujourd'hui, ce sont des étudiants qui n'ont aucune idée de la façon de faire ces choses, alors l'avenir est sombre. Je n'ai rien contre les critiques bien documentées à l'encontre d'Israël. Je m'insurge contre le fait que des personnes soi-disant intelligentes mettent en avant l'État juif au détriment d'États qui traitent leurs populations de manière horrible. Nous vivons le plus grand bouleversement au Moyen-Orient depuis les 7e et 8e siècles, et il est clair que les Arabes et les Iraniens se rebellent contre des régimes terrifiants qui ripostent en tuant leurs propres citoyens.
Les citoyens israéliens, juifs et arabes, ne se rebellent pas (bien qu'ils soient libres de protester). Pourtant, les étudiants d'Édimbourg n'organisent aucune manifestation et n'appellent à aucun boycott contre la Libye, le Bahreïn, l'Arabie saoudite, le Yémen et l'Iran. Ils préfèrent porter de fausses accusations contre l'un des pays les plus libres du monde, le seul pays du Moyen-Orient qui a accueilli des réfugiés du Darfour, le seul pays du Moyen-Orient qui donne refuge aux hommes et aux femmes homosexuels, le seul pays du Moyen-Orient qui protège les Bahaïs.... Dois-je continuer ?
Le déséquilibre est perceptible, et il ne fait pas honneur à ceux qui ont voté pour ce boycott. Je vous demande de faire preuve de bon sens. Renseignez-vous auprès de l'ambassade d'Israël. Demandez des conférenciers. Écoutez plusieurs opinions. Ne vous décidez pas avant d'avoir entendu les points de vue des deux parties. Vous avez un devoir envers vos élèves, celui de les protéger d'une argumentation unilatérale. Les étudiants ne sont pas à l'université pour faire de la propagande. Et ils ne sont certainement pas là pour se faire piéger par l'antisémitisme en punissant un pays parmi tous les pays du monde qui se trouve être le seul État juif.
S'il y avait eu un seul État juif dans les années 1930 (ce qui n'était malheureusement pas le cas), ne pensez-vous pas qu'Adolf Hitler aurait décidé de le boycotter ? Votre génération a le devoir de veiller à ce que le racisme perpétuel de l'antisémitisme ne s'enracine jamais parmi vous. Or, aujourd'hui, des signes évidents montrent qu'il l'a fait et qu'il est en train de s'enraciner davantage. Vous avez une chance d'éviter un très grand mal, simplement en faisant preuve de raison et d’honnêteté intellectuelle.
Convenez avec moi que ce que je vous dis fait sens. Je vous ai donné quelques éléments d’information. Il est de votre devoir d’en réunir davantage. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes salutations distinguées, Denis MacEoin
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