LBSJS
13/08/2013
Dans des temps post soixantuitards, j’avais un camarade de militance qui développait de belles idées altruistes et marxistes mais qui traitait sa femme comme une boniche. J’avoue que je ne supportais pas bien la contradiction.
Vous avez sans doute entendu parler des déboires de Daniel Mermet, grand pourfendeur d’injustice, qui est accusé de maltraiter ses collaborateurs. C’est une accusation récurrente puisqu’en 2003, une assistante de production de Là-Bas Si J’y Suis (LBSJS) a fait une tentative de suicide et que deux reporters ont eu des ennuis pour n’avoir pas signer la pétition qu'avait écrite Daniel lui-même en soutien à Mermet.
Difficile d’attaquer le grand timonier des après-midi de France Inter, la caution d’extrême gauche d’une radio que Le Pen traite de bolchevique, le prêcheur de la croisade du peuple contre les patrons, l’ayatollah de l’alter mondialisme, le défenseur médiatique officiel du prolétaire, de la veuve et de l’orphelin (si issus de la classe ouvrière). Si on l’attaque, on est immédiatement soupçonné d’être tombé dans le camp de la réaction. Eh bien tant pis !
C’est ce que s’est dit un journal que l’on ne peut pas accuser d’être réac, Article11. L’article est ici très documenté.
Du coup, François Ruffin, ami et collaborateur de Daniel s’est fendu d’un texte pour défendre Mermet avec des arguments dignes du plus beau réalisme soviétique souci d'efficacité politique... Comme disait Mao « Qu’importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu'il attrape des souris » Les souris étant ici les patrons, les économistes libéraux et tous les bousilleurs de planète…
Article 11 n’a pas publié le texte de Ruffin. Ils expliquent en détail pourquoi… extrait :
Non, nous pensons juste que le talent et le succès ne sauraient compenser des pratiques autoritaires et humiliantes. En aucun cas. Au contraire, il appartient aux gens doués et dotés d’une certaine puissance, d’une influence et d’un pouvoir sur les gens (et c’est bien le cas du taulier de LBSJS), de se montrer exemplaires. A fortiori quand ils ont bâti toute une carrière en défendant la veuve et l’ouvrier. Si ceux qui se font les étendards de notre cause se comportent plus ou moins régulièrement comme ceux qu’ils dénoncent, il faut le dire et l’écrire - et tant pis pour les dents qui grincent. À quoi bon se battre, sinon ? En quoi croire encore ? Autant se mettre au tricot, au jardinage ou à la spéléologie (activités fort respectables par ailleurs). Et laisser définitivement la politique de côté.
Ceci dit, LBSJS est une excellente emission bourrée d'excellents reportages. A mon goût, Mermet devrait moins y jouer au prècheur mais depuis que les gens ne vont plus à la messe, ils ont, semble-t-il, besoin de sermons.
Selon moi, monsieur Mermet, 71 ans, qui a beaucoup milité pour la retraite à 60 ans, devrait donc lâcher la rampe médiatique. On trouvera bien un autre défenseur des plus démunis. D'ailleurs ses proches collaborateurs plus jeunes sont des gens de grand talent. L'antenne a horreur du vide.
On espère qu’il ne s’accrochera pas comme le sénescent Bouvard, sinon il faudra bien le traiter de Pécuchet
5 commentaires
Ca fait trois mois que je ne lis pas de journaux, que je ne regarde pas les "infos" à la télé, que je n'écoute pas la radio.
Je me contente, en passant, des affiches devant les marchands de journaux. Mais ces derniers temps, je ne passait même pas devant ces marchands.
Je trouve que les Dernières nouvelles de l'homme me suffisent.
Quant à Mermet, c'est triste à dire, mais je connais beaucoup de Mermet. Ce qui explique aussi ce que j'ai dit écrit plus haut.
Ton papier me fait penser à cette citation de Voltaire sur Rousseau (des gens de ton coin) :
"L'excès de l'orgueil et de l'envie a perdu Jean-Jacques, mon illustre philosophe. Ce monstre ose parler d'éducation ! lui qui n'a voulu élever aucun de ses fils, et qui les a mis tous aux Enfants-trouvés. Il a abandonné ses enfants et la gueuse à qui il les avait faits"
Je pense que se limiter aux affiches des journaux est une solution. J'avoue que ma cure de désintox à l'info n'a pas commencé. C'est pourtant un ramadan nécessaire si j'en juge par les intoxiqués atrabilaires que je croise (en essayant de les éviter) régulièrement et qui tentent de m'expliquer à quel point tout va mal. En plus, pour certains de nos âge, ils jouissent d'une bonne santé, d'une certaine aisance matérielle, pas de réveil à mettre pour se lever le matin.
Je ne connaissais pas cette citation de Voltaire. J'avoue que l'homme Rousseau qui pleurniche comme un Calimero qui se veut méprisé de tous, m'énerve passablement. Le manque de cohérence entre le dire et le faire aussi. Pourtant, je suis admiratif de ses idées avancées sur l'organisation sociale et j'aime bien les rêveries du promeneur solitaire.
Je viens de rallumer la télé. Vu hier soir sur LCP, un excellent film sur la Françafrique. Je le conseille.
"Dans les années 60, les 14 colonies françaises d’Afrique noire deviennent indépendantes.
Cependant, il est hors de question pour Paris de perdre le contrôle des innombrables matières premières dont regorge le sol Africain. Pour défendre les intérêts économiques, diplomatiques et stratégiques de la France dans ses anciennes colonies, le général De Gaulle confie à Jacques Foccart la mise en place d’un réseau performant appelé la Françafrique.
Derrière les drames qu’a traversés l’Afrique au cours des 50 dernières années, on découvre une logique impitoyable de soutien à des dictatures africaines, d’élections truquées, de crimes politiques et de valisesde billets traversant les frontières.
En donnant la parole aux « Messieurs Afriques » de l’Elysée (ambassadeurs, agents secrets, hommes de main…), ces deux épisodes révèlent un monde secret où, en dehors de tout contrôle parlementaire ou gouvernemental, tous les coups sont permis pour maintenir une dépendance de fait avec au pouvoir des chefs d’État africains dévoués à la France…
Documentaires réalisés par Patrick Benquet (2x80’) - 2010."
Mais pas bon pour les ulcères.
« Si ceux qui se font les étendards de notre cause se comportent plus ou moins régulièrement comme ceux qu’ils dénoncent »….il faut le dire, il faut leur dénoncer aussi! Même si, c´est vrai que la contradiction est partie de notre humanité ... à certains niveaux, la contradiction est « incestueux » s'il était possible d'utiliser cette terme.
Merci Joel! Votre blog est très intéressant. Je profite.
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