Le monde
27/03/2009
On dit qu’il compte parmi les plus grands écrivains mondiaux du XXième siècle. On dit qu’il a quasi inventé un genre littéraire. On sait qu’il est né près de Genève, au Grand-Lancy exactement. Il se trouve que je l’ai même rencontré une fois à Annecy où des écrivains venaient assurer le service après-vente de leurs bouquins.
J’avais lu ce petit livre publié chez Zoé, écrit avec Ella Maillart, Témoins d’un monde disparu et j’en ai déjà parlé ici mais je n’avais rien lu d’autre. Une lacune maintenant comblée avec la lecture de son chef d’œuvre, paraît-il, L’usage du monde.
Aucun doute, le qualificatif de chef d’œuvre n’est pas usurpé. On est subjugué par la densité de cette écriture, la force du texte, la beauté des métaphores, la puissance du vocabulaire, le choix de mots raffinés qui évoquent avec précision et originalité les scènes qu’il décrit. Rien pour moi de plus fort depuis Voyage au bout de la nuit.
Pour ceux qui ne saurait pas encore de quoi ça parle, c’est le récit du voyage qu’a effectué Nicolas Bouvier avec son ami peintre Thierry Vernet, à bord de sa Fiat Topolino, sur la route de l’Asie. Un récit de voyage comme jamais personne n'en avait fait avant lui. Je me réjouis d’avoir encore quelque livres de Bouvier à lire. Le festival Etonnant Voyageurs de Saint-Malo décerne un prix Nicolas Bouvier. Nicolas était jusqu’à sa mort en 1998 de tous les festivals.
Quelques phrases :
Si je n'étais pas parvenu à écrire grand-chose, c'est qu'être heureux me prenait tout mon temps. D'ailleurs, nous ne sommes pas juges du temps perdu.
Assez d'argent pour vivre neuf semaines. Ce n'est qu'une petite somme mais c'est beaucoup de temps. Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur.
Jamais le travail n'est si séduisant que lorsqu'on est sur le point de s'y mettre ; on le plantait donc là pour découvrir la ville.
Couché dans l'herbe brillante, je me félicite d'être au monde, de... de quoi au fait ? mais à ce point de fatigue, l'optimisme n'a plus besoin de raisons.
C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat-ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l'envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu'on y croise, aux idées qui vous y attendent... Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c'est qu'on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon. Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.
4 commentaires
Nicolas Bouvier. J'ai découvert il y a un an. Un ami voyageur m'a dit qu'il avait tout lu de lui, que ses livres étaient ses livres de chevet. Alors pour mon départ à la retraite j'ai eu comme cadeau tous les livres de Nicolas Bouvier. Le premier lu fut celui cité ici.
Voici des extraits de mon blog http://lefenetrou.blogspot.com
jeudi 19 juin 2008
Extraits de L'usage du monde de Nicolas Bouvier (suite)
- "il s'avançait, les ongles noirs de terre, du pas recru et satisfait qu'on a après une journée de travail au grand air."
- "ignorant comme une borne"
- "on n'a pas à être sévère avec ce qui décline" (p. 305)
- "ici prendre son temps est le meilleur moyen de n'en pas perdre"
- "Surprenant programme ! conserver son intégrité ? rester intégralement le benêt qu'on était ? aussi n'a-t-il pas vu grand-chose, parce que le kilo de chair de Shylock - je le sais maintenant - pas de pays qui ne l'exige." (p.410)
- "Il est didactique en diable, n'écoute rien des objections qu'on lui fait et stérilise par son enthousiasme obtus tout un coin de la conversation."
- "et à force d'y penser on y va"
- "malgré une longue carrière de dormeur, notre voisin cherchait encore cette position idéale que bien peu trouvent de leur vivant." (p. 311)
- "... les Thibétains donnent aux enfants en bas âge des noms comme : Teigneux, Déjection,Amertume, pour en éloigner les esprits jusqu'au moment du sevrage. Il y a beaucoup d'optimisme et de courage dans cette manière de jouer au plus fin avec le malheur. On réserve à Dieu la belle omniscience, et on prête assez peu de pénétration aux démons pour espérer les tromper par une simple antiphrase. Cette méthode a très bien réussi aux Baloutchs : je connais peu de peuples qui soient plus éloignés de suggéger le guignon." (p. 319)
Publié par Aredius44 à l'adresse 08:34 0 commentaires
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mardi 17 juin 2008
Nicolas Bouvier
Nicole m'a fait découvrir Nicolas... Bouvier
J'étais passé à côté.
Et je l'avais loupé dans la bibliothèque de J-R qui m'écrit :
"BIEN SÛR. Nicolas Bouvier. Ses oeuvres sont mes livres de chevet. J'ai absolument TOUT LU de lui. Il est aussi un grand photographe et un grand amoureux des musiques d'Europe Centrale et d'Asie. Un disque de ses entretiens radiophoniques et de ses musiques préférées vient de sortir. Son livre le plus étonnant (et le meilleur pour moi) c'est "Le Poisson Scorpion". Il y relate son année passée dans la solitude, l'errance et aussi l'enfermement. C'est un très grand livre. Je l'ai lu et relu.
En ce moment je lis deux livres: "le Tournant" une autobiographie de Klauss Mann (le fils de Thomas), très passionante et remarquablement écrite, et aussi la nouvelle traduction des "Confessions" de St Augustin. Le titre en a été changée en "Les Aveux". Superbe.
Publié par Aredius44 à l'adresse 18:49 0 commentaires
Libellés : Livres
dimanche 7 septembre 2008
Le poisson-scorpion (Nicolas Bouvier), extraits
- " Malgré sa roue et son cri intolérable, le paon n'a aucune réalité. Plutôt qu'un animal, c'est un motif inventé par la miniature mogole et repris par les décorateurs 1900. Même à l'état sauvage il n'est pas crédible. Son vol lourd et rasant est un désastre. On a toujours l'impression qu'il est sur le point de s'empaler. A plein régime il s'élève à peine à hauteur de poitrine comme s'il ne pouvait pas quitter cette nature dans laquelle il s'est fourvoyé. On sent bien que sa véritable destinée est de couronner des pâtés géants d'où s'échappent des nains joueurs de vielle, en bonnets à grelots. Je mourrai sans comprendre que Linné l'ait admis dans sa classification...", p. 23
- " La vie des insectes ressemble en ceci à la nôtre : on n'y a pas plutôt fait connaissance qu'il y a déjà un vainqueur et un vaincu.", p. 114
- "Mon Île mérite certes des reproches, mais une reine termite y peut atteindre cent ans et mettre au monde trente mille sujets par jour. Trouvez-moi un Bourbon ou un Grimaldi qui en ferait autant ?"
- "le ciel le plus cabotin de la planète, avec des effets et des édifices de nuages qui feraient passer Véronèse et son atelier pour des fainéants !" p. 108
- "Pas la moindre ombre ni la plus furtive épave d'idée" p. 107
- "Si l'on savait à quoi l'on s'expose, on n'oserait jamais être vraiment heureux." p. 94
-"De tous les négoces, celui des idéologies - qui ignore le client - est le plus dommageable, et pour tout le monde, car on s'abaisse soi-même lorsqu'on force les autres à vous imiter." p. 72
Publié par Aredius44 à l'adresse 17:21
Libellés : citations, Livres
Merci Aredius44 pour ce commentaire sympathique. Je suis assez content d'avoir encore plein de livres de Bouvier à lire.
Merci pour cette suggestion de lecture. J'en avais entendu parler dans une émission sur Ella Maillart sur la RSR, mais j'avais zappé.
Oui, je crois que c'est à lire absolument si on aime à la fois les beaux textes et une certaine philosophie de la vie axée sur l'être plus que sur le faire et l'avoir.
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