No Suicide -5-
14/08/2007
Non OLGA, ce n’est pas fini. J’ai encore beaucoup de choses à dire… J’ai eu une enfance heureuse. C’était entre les deux guerres, les deux grandes, les deux bien meurtrières du siècle passé… Les gens heureux n’ont pas d’histoires. C’est vrai. Papa et Maman s’aimaient beaucoup. J’avais deux grands frères qui étaient très gentils avec moi. Nous étions un modèle de famille unie. J’ai rencontré Raymond, j’avais vingt ans, lui vingt-trois. Il était beau, solide comme le roc. Nous nous sommes installés dans un village près d’Annecy. A l’époque, c’était un village… La semaine on allait à l’usine. Le dimanche on faisait de la montagne avec les enfants.
Avec Raymond, j’ai vécu ma deuxième vie. Une belle grande vie, Un demi-siècle plein. Nous avons eu deux enfants : Lucien et Christine. Christine est partie de la maison, elle avait dix-huit ans. Je ne l’ai plus revue. Elle ne m’aimait pas. Je n’ai jamais su vraiment pourquoi. Elle a fait un beau mariage. Elle changeait de classe sociale. C’est ce qu’elle voulait, changer de classe sociale. Elle n’avait plus envie de nous voir, son père et moi. Ce fut un moment bien pénible pour nous deux. Plus tard, elle a même dissuadé ses enfants de nous rendre visite… Il y a quelques années, c’est l’un de ses propres petits-enfants qui est venu me voir à l’hospice. J’étais toute surprise d’être la bisaïeule de ce grand dadais de bientôt quarante ans. Mais on n’a rien trouvé à se dire… Rien d’important… Dommage !
A cette époque, ils m’avaient mis au cinquième étage dans une maison près d’Annecy : les Cyclades. Aux Cyclades, plus on était haut, plus on était près de la fin. Des étages, il y avait six. Au cinquième on en était à la bouillie distribuée à la petite cuillère. J’ai fait deux semaines de grève de la faim. Mais je crois qu’aujourd’hui, je préfèrerais parler d’autre chose… Pour ne pas casser mon récit.
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