Smoking
27/03/2007
On le sait, ce blog est un blog humaniste puisqu’il se propose de donner des nouvelles de l’homme. Cette chronique donne des nouvelles de la ressource confrontée à un monde devenu mondial et un univers impitoyable dont les seules valeurs sont rendement, croissance, performance, compétition et challenge permanent.
A moins de vivre au fin fond de la Creuse et faire des fromages de chèvres (salut Michel) on sait que la ressource fume de moins en moins. Pourtant, mine de rien, la clope était un sacré exutoire pour la ressource ancienne confrontée à des cadences de travail encore plus infernale qu'aujourd'hui. Naguère, la moindre réunion se passait dans un brouillard aussi épais que le smog qui sévit en automne dans le bassin genevois quand l’anticyclone se prélasse dans nos contrées. En ces temps là, même les non-fumeurs fumaient.
Et puis, soudain, presque sans s’en apercevoir, on n’a arrêté de fumer. La vague a traversée l’Atlantique comme les dépressions qui, sans prévenir, viennent chasser l’anticyclone automnal. Cela a commencé par les salles de réunions car, au début, on avait beau lui donner mauvaise conscience, le programmeur continuait de cloper dans son bureau. Il ricanait en douce derrière son écran, avec la fumée qui lui sortait par les oreilles. Il ne perdait rien pour attendre.
Trois ans plus tard, ce fut la mode des bureaux paysagers. Un bureau où on entasse trente experts assez bien payés, supposés se concentrer, car l’avenir de l’entreprise en dépend. Les conflits entre fumeurs et non-fumeurs devenaient ingérables. Trois mois plus tard, on interdisait de fumer dans tous les bâtiments à l’exclusion d’un petit local exigu et non ventilé. L’affaire devenait grave. La qualité des programmes s’en ressentait. Chaque soir le femme du programmeur pouvait, elle aussi, sentir la douce odeur de tabac froid de la salle fumeur imprégnée sur les vêtements de son mari multipliant les sources de conflit : « -T’es encore allé traîné où hier soir ? – Quand j’ai eu fini de tester mon programme, il était onze heures, je suis rentré. » Il n’était pas cru et, à terme, leur union était cuite.
Pourtant, il s’est passé une chose étonnante dans les salles fumeurs. C’était le seul endroit de l’entreprise où on communiquait. On parlait foot, télé, mais aussi de boulot. Ce regain de communication entre les personnes et les départements évitait bien des bourdes à l’entreprise… C’est pourquoi quelqu’un a décidé que c’en était trop, qu’il fallait sévir et revenir aux pratiques anciennes d’hermétisme entre les ressources. Le management prétendit que c’étaient une décision des RH, les RH dirent avoir agit sur ordre. N’empêche que plus personne ne fume dans les bâtiments. La consommation d’anti-dépresseurs augmente. Comme l’argent, ces derniers n’ont pas d’odeurs et le DRH peut savourer sa satisfaction d’avoir mener à bien l’éradication.
Seule sa femme fume encore le soir, une cigarette ou deux après le repas. Il l’a prévenu si elle ne change pas ses habitudes, elle est virée.Rien ne va plus dans le monde de la ressource…
9 commentaires
Trop tard, j'avais envisagé de me mettre à fumer pour essayer de m'intégrer dans les milieux où l'on cause...
M'en fous , fume pas !
"Un de ces jours, il faudra bien compter l’ordinateur parmi les ressources humaines" dites-vous. Le mien s'est mis à fumer récemment (une épaisse fumée grise). Faut-il lui prescrire des anti-dépresseurs pour qu'il arrête?
"Un de ces jours, il faudra bien compter l’ordinateur parmi les ressources humaines" dites-vous. Le mien s'est mis à fumer récemment (une épaisse fumée grise). Faut-il lui prescrire des anti-dépresseurs pour qu'il arrête?
Oups! Mauvaise manipulation et message à double! C'est que je tremble, avec tous ces médics!
Trois commentaires pour le prix d'un, ce blog prend du volume... Aie! L'ordinateur qui fume, qui se met à boire si en plus il mange des protéines et arrête la coke on va le confondre avec Maradonna. On craint le pire.
Oui, il y a une chose qui me frappe: ce sont ces logos qui prolifèrent maintenant partout (le logo qui sert d'en-tête à votre billet). Chaque fois que je j'en vois je ne peux pas m'enpêcher de penser aux étoiles jaunes qui proliféraient elles aussi à une autre époque ......
Eh oui ! L'homme d'hier savait vivre. Il avalait des steaks énormes avec des frites aux pesticides et faisait glisser tout ça avec une petite bouteille de Côtes... Ensuite, il remettait posément ses Raybans modèle "aviator" et reprenait le volant de sa R16. Il roulait à tombeau ouvert sur la nationale 7 et mâchonait une Gitane-maïs tout en fredonnant le dernier tube de Michel Sardou... L'homme d'hier savait mourir, aussi. Il s'écrasait superbement dans un platane, ou agonisait stoïquement d'un cancer du poumon... L'homme d'hier ne se plaignait jamais. L'homme d'hier était un homme.
Hélas, ce temps béni est loin derrière nous. L'homme moderne mange bio et entretient sa ligne. Il met des crèmes anti-âges, trie ses déchets et s'inquiète du réchauffement climatique... Il conduit prudemment sa voiture japonaise pleine d'airbags (à cause des radars), et songe à arrêter de fumer (à cause de ses problèmes de tension). Bref, l'homme moderne, dernier avatar de la race de Vercingétorix de Charlemagne et de Johnny Halliday, l'homme moderne dis-je, est devenu une tapette !
Bien vu Denis. Quel excellent résumé de la problématique de l'homme d'aujourd'hui.
Ce qu'il faudrait c'est passer un weekend pascal dans la nature, vivre dans une cabane vêtu de peaux de bête et chasser le gros gibier avec un arc et des flèches.
Bon week-end à tous!
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