Tentation -1-
08/09/2006
Jacques va retrouver Maurice, le frère costaud, héros musclé de ses douze ans. Il va le serrer dans ses bras, pleurer sans doute, toucher son enfance. C’est le but de ce long voyage, le prétexte, ont dit certains qui ont bien raison.
Maurice sera-t-il encore Maurice ? Question idiote. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Aujourd’hui Maurice parle anglais et Thaï. Il pratique cette langue, si difficile pour nos palais occidentaux, avec un accent rude et savoureux aux oreilles de ses amis et de sa famille, sa nouvelle famille. Il se plaît, paraît-il, à parler le muang, ce dialecte du nord aux sonorités paysannes. Depuis peu il s’est mis à l’espagnol. Il doit parler le français avec de drôles de tournures comme tous ces expatriés que Jacques a rencontré dans son périple. Que reste-t-il de ce grand frère parti trop tôt, parti trop loin ?
Allongé dans son hamac Jacques Fabergé se laisse envahir par le calme. L’air est doux, avec à peine un souffle de vent. Il s’est mis en tête de profiter de cette heure à perdre pour méditer. Il s’applique à construire plan par plan une image mentale du monde qui l’entoure comme le lui a enseigné son maître Jampel Rinpotché. Procéder de manière concentrique : la case, l’hôtel de cases, la bande de sable, les terres alentour, Cozumel, Tulum, le Yucatan…
C’est son deuxième passage à Playa del Carmen. Il a de la chance d’avoir trouvé ce petit bungalow au bord de la plage, dans ce village de cases éparpillées sous les cocotiers qu’est l’hôtel Corto Maltese. Des cases de bois, solides, toutes construites sur le même modèle, moitié chambre simple et confortable, moitié abri pour vie au grand air. Il a suspendu son hamac à l’ombre de l’avant-toit, pas vraiment un endroit pour méditer sérieusement sur l’impermanence... Jacques le sait et il en sourit en se balançant doucement.
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