La passe imaginaire
22/10/2005
Je viens de lire la passe imaginaire de Grisélidis Réal.
Grisélidis Réal était une courtisane qui connut son heure de gloire en 1975, à Paris, à la tête d’un mouvement insurrectionnel de 500 prostituées. Elle est morte cette année à l’age de 75 ans. C’était une militante de la prostitution qui aimait les gens mais conchiait les moralistes de tous poils en commençant par Calvin et le pape.
La Passe imaginaire est un recueil des lettres qu’elle a adressées entre 1980 et 1991 à son ami le journaliste français Jean-Luc Hennig. Elle lui écrit dans sa cuisine, en se soûlant de tango arabe et de vin rouge, au petit déjeuner, vers 13 heures en buvant son thé de Chine, au buffet de la gare, "côté pègre". Dans un local de vote, où elle a été convoquée par tirage au sort comme "jurée électorale", et où ses clients venus accomplir leur devoir civique font les innocents quand elle leur tend leur estampille. Dans le train quand elle laisse sa photocopieuse et ses clients pour promouvoir sa révolution dans un congrès à Frankfort où elle est interdit de séjour à vie, Au Palais des Nations, "recroquevillée d’effroi sur une chaise en train d’écouter un immense discours en anglais auquel je ne comprends rien, parmi de nombreux personnages officiels et solennels du monde entier". Grisélidis en avion: "Dans l’avion! Le Cul dans le ciel. Lundi 16 mai 1988. Oh, magnifique! Nous survolons la planète, de grands requins de nuages nous frôlent dans des cathédrales de neige, la terre fout le camp, ivresses!!" Grisélidis en train: "De retour dans mon compartiment, je constate que les Bourgeois ne savent pas vivre. Ils n’ont rien bouffé, rien bu… Ils en sont aux mots croisés… C’est lugubre. Seules les vieilles Putes demi-alcooliques comme moi savent vraiment apprécier la vie et les voyages."
Toujours elle commence sa lettre en décrivant le petit gueuleton qu’elle est en train de savourer, la musique qu’elle est en train d’écouter, le vin qu’elle boit, le plaisir de vivre. Elle raconte en détail les clients, les tracas techniques et sanitaires du métier, appelant une chatte une chatte et une grosse queue une grosse queue. Elle dessine sans ménagement quelques portraits de l’anatomie et des comportement de ses clients turcs ou arabes, clients qu’elle aime sincèrement et à qui elle trouve toutes les excuses. La solitude perce, les cystites et autres infections ne nous sont pas épargnées mais c’est la vitalité qui domine. Grisélidis fulmine, s’indigne, exulte, danse de joie, cajole, invective ou engueule. Le style est flamboyant, étrange parfois. C’est le style d’un vrai auteur.
Elle témoigne de la misère sexuelle des ouvriers immigrés, mais aussi des ravages de la morale religieuse faux-cul qui lui envoie tant de maris frustrés: « On nous a matraqués pendant toute notre enfance, et notre adolescence, et ces slogans criminels nous poursuivent encore à l’âge adulte et au-delà!: » Ne jouissez pas! N’ayez pas d’orgasmes! Ne sentez rien! Bloquez-vous, crispez-vous, serrez les dents et les fesses, détestez, haïssez, soyez froids, glacés, paralysés, honteux et frustrés!" (…) Il faudrait actuellement, pour lui faire rendre gorge, enfoncer tous les clochers d’église et les minarets des mosquées, en y ajoutant encore la Tour Eiffel, la Tour de Pise et l’Obélisque de Louxor pour faire bonne mesure, dans le Cul du pape, pour réduire au silence ses préceptes meurtriers. Et foutre la vertu d’un trident monstrueux, gigantesque, chauffé au rouge dans toutes les flammes de l’enfer! Je vous embrasse, très cher."
Il y a dans ces lettres un appétit de vie et un besoin de montrer du doigt les hypocrites que j’ai trouvé particulièrement jouissifs et même carrément éjaculatoire.
-Le livre est épuisé, vous pouvez le trouver d’occasion.
-Quelques sites qui parle de Grisélidis.
-Un fan – Une rue Grisélidis Réal ?
-La passe a inspirée des auteurs de théâtre à Genève, Toulouse (où j’écris cette note), Limoges, Boulogne-sur-Mer, Avignon et Paris, toujours sous forme de monologue.
8 commentaires
Joel Perino est pour moi l'humanisme en chair et en os.
C'est un écrivain que je salue et respecte.
Un écrivain qui n'a pour ambition que promouvoir l'écriture,sans parfois même penser à ses propres écrits.
L'oeil de Dieu voit tout.
Courage Joel!
FORMENT GOTARD
Un jour,un jour seulement,peut être tu seras sacré saint!
Peut être un jour Joel.
Forment là tu exagères. Tu sais que pour ce qui est de la modestie je ne crains personne, mais si tu continues je vais finir par avoir les chevilles gonflées :-)
Je suis lucide et je sais de quoi je parle. Attend,tu verras!
de plus,je ne vois aucun crime à transcrire son coeur!!!
forment gotard a raison moi aussi je te respecte car j ai entendu parler de quelques uns de tes bienfaits j espere seulement te rencontrer un jour.bon vent a toi joel
Ola Mr. Perino !
Je viens de le lire ce bouquin, et je retombe sur ton site par hasard en faisant une recherche Google sur le titre... Etonnant, non ? Comme quoi, le monde n'est pas si grand...
Et, au fait : entièrement d'accord avec tout ce que tu dis. J'ai adoré le livre : quelle santé, quelle verve, quelle beau personnage, et quelle plume !
Salut Denis,
Merci pour ton commentaire. Oui, elle savait "tailler sa plume" comme personne Grisélidis.
J'en parle dans d'autres notes:
Une pièce de théâtre:
http://perinet.blogspirit.com/archive/2011/03/25/les-combats-d-une-reine.html
et les péripéties très genevoises du cimetière des rois:
http://perinet.blogspirit.com/archive/2009/01/19/visite.html
Salut Joel!
Comment tu vas? Ca fait longtemps que je t'ai pas écris.
J'espère que tout va bien à St Julien.
Eh oui, j'ai changé le blog cette année, car j'ai pas pu sauver le blog avant. Voici le lien pour le nouveau ;
http://blogcestchouette.blogspot.com/
A plustard!
Salutations à Katherine.
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