Internet Romance -8-
31/07/2005
J’aurais dû me taire. « La plus belle fille de Sydney » avait mis le feu aux poudres. Dans les semaines qui ont suivi, French est devenue le forum exclusif de Nicolas et de Mary-Ann. Nicolas a démarré la discussion intitulée « En avant la musique » qui commençait par : « La musique est un langage plus universel que toute science ou toute philosophie, disait Beethoven… » Ensuite, il invitait musiciens et mélomanes de l’univers à partager ce langage avec lui. Il expliquait sa passion pour les beaux sons, son goût pour les auteurs classiques, ses amis Wolfgang Amadeus, Jean-Sébastien et Ludwig von. Il parlait de son incompréhension de certaines œuvres du vingtième siècle, de son aversion presque générale pour la plupart des contemporains cacophoniques et abscons. C’était un long texte de sept ou huit écrans, trois pages imprimées, écrit avec passion au risque de lasser le lecteur.
La sauce avait pris. Les french-noteurs mélomanes s'étaient mis à leur clavier. Certains concis, trop occupés pour l’instant, disaient-ils, promettant de donner un avis plus tard. Certains prolixes avec moult détails sur leur apprentissage, leur pratique de la musique. Chaque jour voyait sa moisson de notes. Nicolas s’en délectait. Il répondait à tous en termes lyriques, en envolées verbeuses. On lisait des avis contradictoires, des modernes, des jazzy, des contrepoints plus rock n’roll. Une belle gamme d’instrumentistes : pianistes, violoncellistes, joueurs de trompette, choristes. Un orchestre. Nicolas était aux anges. Il avait donné le LA et Mary-Ann s’était mise à chanter. Voici un exemple copié-collé de l’échange de nos deux pinsons :
From: maryann.nelson
Sydney 12-Feb-1992
J'ai joué toute la nuit sur mon vieux piano. C'est le dernière fois. J'avais réellement besoin d'un neuf. Cependant, j'aimera celui-ci pour toujours; il était le témoin de mon enfance et commencement de ma passion plus grande. J'espererai bien que mes parents accepterons de le garder car je ne peux pas penser un seul minute de le vendre...
From: YSATIS::nicolas.larue
Grenoble 12-Fev-1992
(…) ton vieux piano. Je comprends bien cette sensation. J’ai moi aussi dû me séparer de mon vieil orgue électronique ; celui sur lequel je me suis perfectionné pendant tant années avant d’oser jouer à l’église, le dimanche. J’aimerais que tu nous en dises plus. Qu’as-tu joué toute la nuit ? Toujours du Bach ? L'andante KV 457 de Mozart ou bien encore ton cher, notre cher Beethoven ? Dis-nous tout, nous voulons tout savoir !
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Ce « dis-nous tout, nous voulons tout savoir ! », j'en ris encore. Ce fonctionnement exhibitionniste de couple virtuel nous amusait… L’exhibition allait durer plusieurs mois pour la franche rigolade de certains, l’énervement de quelques autres, l’amusement ému de beaucoup. Enervés, ceux qui suggéraient, dans l’oreille d’un sourd : « Nico, un peu de discrétion, s’il te plait ! » Pour moi, cela mettait de l’animation dans mon équipe de divas et c’était bien. La plupart bossaient dur dans leur coin. Même devant une bière, on ne sortait guère des conversations de boulot. C'est pourquoi je trouvais que l’idylle entre Nicolas Mary-Ann était un bon dérivatif. Plus tard, l’histoire d’amour prendrait des proportions telles qu’elle finirait par perturber le travail de toute l’équipe. Je ne saurais plus comment éteindre le feu.
2 commentaires
"Plus tard, l’histoire d’amour prendrait des proportions telles qu’elle finirait par perturber le travail de toute l’équipe. Je ne saurais plus comment éteindre le feu."
J'adore quand tu finis avec ce genre de phrase l'épisode du jour ... avec moi ça marche à tout les coups ... je piaffe déjà d'impatience !
Bien, bien... Ça prend tournure !
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