Smoking
03/07/2005
Chronique de la ressource -5-
The Human Resource Weekly Chronicle
On le sait, ce blog est un blog humaniste puisqu’il se propose de donner des nouvelles de l’homme et que cette chronique donne des nouvelles de la ressource confrontée à un monde devenu mondial et un univers impitoyable dont les seules valeurs sont le rendement, la croissance, la performance, la compétition, le challenge permanent.
A moins de vivre dans le fin fond de la Creuse et faire des fromages de chèvres (salut Michel) on sait que la ressource fume de moins en moins. Pourtant, mine de rien, la clope était un sacré exutoire pour la ressource ancienne confrontée à des cadences de travail encore plus infernale. Naguère, la moindre réunion se passait dans un brouillard aussi épais que le smog qui sévit en automne dans le bassin genevois quand l’anticyclone se prélasse dans nos contrées. En ces temps là, même les non-fumeurs fumaient.Et puis, soudain, presque sans s’en apercevoir, on n’a arrêté de fumer. La vague a traversée l’Atlantique comme les dépressions qui, sans prévenir, viennent chasser l’anticyclone automnal. Cela a commencé par les salles de réunions car, au début, on avait beau lui donner mauvaise conscience, le programmeur continuait de cloper dans son bureau. Il ricanait en douce derrière son écran, avec la fumée qui lui sortait par les oreilles. Il ne perdait rien pour attendre.
Trois ans plus tard, ce fut la mode des bureaux paysagers. Un bureau où on entasse trente experts assez bien payés, supposés se concentrer, car l’avenir de l’entreprise en dépend. Les conflits entre fumeurs et non-fumeurs devenaient ingérables. Trois mois plus tard, on interdisait de fumer dans tous les bâtiments à l’exclusion d’un petit local exigu et non ventilé. L’affaire devenait grave. La qualité des programmes s’en ressentait. Chaque soir le femme du programmeur pouvait, elle aussi, sentir la douce odeur de tabac froid de la salle fumeur imprégnée sur les vêtements de son mari multipliant les sources de conflit : « -T’es encore allé traîné où hier soir ? – Quand j’ai eu fini de tester mon programme, il était onze heures, je suis rentré. » Il n’était pas cru, à terme leur union était cuite. />/>Pourtant, il s’est passé une chose étonnante dans les salles fumeurs. C’était le seul endroit de l’entreprise où on communiquait. On parlait foot, télé, mais aussi de boulot. Ce regain de communication entre les personnes et les départements évitait bien des bourdes à l’entreprise… C’est pourquoi quelqu’un a décidé que c’en était trop, qu’il fallait sévir et revenir aux pratiques anciennes d’hermétisme entre les ressources. Le management prétendit que c’étaient une décision des RH, les RH dirent avoir agit sur ordre. N’empêche que plus personne ne fume dans les bâtiments. La consommation d’anti-dépresseurs augmente. Comme l’argent, ces derniers n’ont pas d’odeurs et le DRH peut savourer sa satisfaction d’avoir mener à bien l’éradication.
Seule sa femme fume encore le soir, une cigarette ou deux après le repas. Il l’a prévenu si elle ne change pas ses habitudes, elle est virée. />/>Rien ne va plus dans le monde de la ressource…
2 commentaires
Nos derniers plaisirs s'en vont en fumée. Pour les derniers resistants dont je fais partie, ce sont les euros qui partent en fumée. Car d'histoire de ressource, la fumée n'a jamais été aussi chère.
J'ai arrêté il y a qq années. Je suis partisan d'une certaine tolérance.
Il faut admettre que depuis quelque temps le cancer des poumons est non seulement le plus répandu mais aussi le plus cher, sans compter qu'il faut drôlement ruser pour pouvoir l'entretenir un minimum, disons 15 à 20 fois par jour.
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